La démocratie des crédules

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La démocratie suppose des citoyens informés pour exercer de façon éclairée les choix qu’ils sont appelés à effectuer. Comment accéder à l’information indispensable pour étayer nos jugements ? Nul ne peut détenir l’ensemble des connaissances nécessaires à la compréhension d’un sujet donné. Alors comment se fier à une croyance éclairée, que l’auteur nomme la « croyance par délégation », sans sombrer dans la crédulité ?

Dans son ouvrage, Gérald Bronner examine le rapport que nous avons à l’information.
Par le « biais de confirmation », nous acceptons plus facilement les allégations qui renforcent nos préjugés. Parallèlement, Internet favorise d’emblée les fausses croyances. Enfin, « les croyants étant] généralement plus motivés que les non-croyants pour défendre leur point de vue et lui consacrer du temps », l’« offre » sur le « marché de l’information » est d’emblée déséquilibrée. Organisés et motivés, les groupes voulant promouvoir une idée vont produire un corpus d’affirmations qu’il est difficile de remettre en cause.

Gérald Bronner s’intéresse au réseau de contraintes dans lequel la presse se trouve prise au piège. La concurrence sur le marché de l’information et l’immédiateté d’Internet incitent à ne plus prendre de recul face à l’événement, à négliger les vérifications. L’effet boule de neige est alors enclenché : il ne peut pas y avoir de fumée sans feu puisque la presse en parle… D’autres médias emboîtent le pas pour ne pas être en reste sur l’information.

Internet, par son omniprésence apporte une sorte de transparence, où tout peut se trouver sur tout. Mais « pour un scandale révélé, combien d’histoires sans signification […] tisseront la trame d’un récit paranoïde ».

L’auteur met aussi l’accent sur les piètres qualités de statisticien du cerveau humain qui néglige la taille des échantillons, appréhende difficilement des causes multifactorielles, surestime les faibles probabilités, etc.

Il démontre également que l’« intelligence des foules » n’est pas toujours au rendez-vous. Qu’elle ne peut pas être un bon recours aux limites de notre raisonnement individuel.

Enfin, la « démocratie participative », ou « participation citoyenne » fait l’objet d’une critique précise. L’ouvrage met en évidence comment une opinion publique instrumentalisée peut s’opposer à l’intérêt général, particulièrement quand des préoccupations sanitaires ou environnementales sont en jeu (principe de précaution, moratoires, etc.).

La responsabilité particulière du système d’enseignement est souligné pour « creuser le sillon de la pensée méthodique pour que chacun soit en mesure de se méfier de ses propres intuitions, d’identifier les situations où il est nécessaire de suspendre son jugement, d’investir de l’énergie et du temps plutôt que d’endosser une solution qui paraît acceptable ». L’esprit critique « ne peut s’acquérir qu’à force d’exercices persévérants ».

L’auteur conclut : « La démocratie des crédules réunit toutes les conditions pour qu’une nouvelle forme de populisme puisse s’épanouir. Je n’utilise pas le terme “populisme” par provocation. J’entends par là toute expression politique donnée aux pentes les moins honorables et les mieux partagées de l’esprit humain. »

Source : [Science et pseudo-sciences, Analyse de Jean-Paul Krivine

  • Auteur : Gérald Bronner
  • Editeur : PUF, mars 2013.
  • Date de publication : 12/07/2013