Editorial

De tels exemples doivent nous rappeler que les mouvements sectaires travaillent souvent en réseau pour repérer, séduire, isoler progressivement de son entourage, et conduire une personne à s´engager dans un processus de transformation personnelle et de mise sous dépendance. Ils utilisent une succession de techniques éprouvées pour que les nouvelles recrues abandonnent leur libre arbitre… et se mettent au service d’un projet qui, en réalité, n’est pas celui pour lequel elles croient s’être engagées.

A chaque étape, une personne alertée et en bonne forme pourrait certes remarquer telle ou telle manoeuvre pour l’éloigner de ses proches, de subtiles critiques de son mode de vie ou de révision de son passé ; plus avertie encore, elle noterait, par exemple au cours d´un stage, que sa propre fatigue physique et mentale est programmée, qu’il y a clairement une intention d’affaiblir sa vigilance et son esprit critique.

Mais elle peut tout aussi bien perdre toute défiance devant l’attention qu’on lui porte, l’intérêt qu’elle semble susciter, la chaleur d’un groupe à son égard, le charisme ou la réputation d´un maître. Question de crédulité, de solitude ou de faiblesse momentanée pour certains, question de besoin de reconnaissance ou d´envie de changement ou par curiosité pour d’autres, les raisons sont aussi variées que les histoires sont personnelles.

Une fois engagée dans le groupe, ou devenue adepte convaincue d’une nouvelle théorie, la nouvelle recrue fera tout pour adopter comportement et modes de pensée qui lui ont été présentés comme désirables (allant même parfois au-delà de ce qui est demandé) : ses proches ne la reconnaissent plus, elle leur semble ne plus avoir de pensée personnelle. Ce qui faisait sa personnalité ne semble plus avoir le droit de s’exprimer.

Une ancienne adepte d’un mouvement sectaire, dont le témoignage a été publié dans le dernier numéro de Bulles, parlait de « capture d’âme » ; c’est bien de cela dont il s’agit, et on comprend qu’il faille beaucoup de courage, et souvent une aide extérieure, pour que l’adepte assujetti retrouve sa liberté.

Editorial

Ces actions ont pour but d’obtenir une reconnaissance en tant que « nouveau mouvement religieux », ou « minorité de conviction», et de pouvoir diffuser leurs dogmes et influer sur les orientations dans un certain nombre de domaines.

Or, si la question des sectes n’est pas absente des réflexions dans les institutions européennes, il n’existe pas de réponse ou d’objectif commun pour y faire face.

En 1996, une résolution du Parlement européen demandait aux Etats membres de l’Union, de fixer deux objectifs : échanger des informations sur l’organisation, le fonctionnement et le comportement de ces groupes dans chaque Etat ; parvenir à des conclusions sur la meilleure façon d’endiguer leurs activités inopportunes et sur les stratégies à suivre pour mettre en garde les populations. Cette résolution ne fut pas suivie d’effet.

En 2002, lorsque est adoptée la Charte des Droits fondamentaux dont un des principes est la liberté de croyance, la question de la coopération internationale reste lettre morte.

Par ailleurs, la Commission européenne s’est dotée d’un Bureau des conseillers de politique européenne, le BEPA (Bureau of European Policy Advisers), dont l’une des missions est « d’assurer un dialogue permanent entre la Commission et les Communautés de Foi et de Conviction ».

Une liste de participants potentiels est proposée par le BEPA, liste hétéroclite d’associations religieuses et de communautés « de pensée confessionnelle » et d’associations représentant « les minorités de conviction » qui en ont fait la demande. On y retrouve l’Eglise de Scientologie, Invitation à la vie (IVI), l’Institut de la Soka Gakkai.

Interrogé sur cette présence aux réunions du BEPA, à l’exclusion d’associations défendant la laïcité, le conseiller en charge des religions « se mura dans un silence diplomatique en répétant que la décision appartient aux Etats membres ».
La reconnaissance, par certains pays, de mouvements sectaires comme religion nous amène donc à redouter une normalisation possible de ces mêmes mouvements.

Sectes et  » psycho-groupes  » au Bade-Wurtemberg (Allemagne)

Extraits de l’intervention de Hans-Werner Carlhoff (Allemagne) lors de la Conférence de la FECRIS « Sectes destructives et Droits de l’homme », à Saint Petersbourg les 15 et 16 mai 2009. Hans-Werner Carlhoff est responsable du groupe interministériel de travail du Bade-Wurtemberg sur les questions de « sectes » et « psycho-groupes ».
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D’abord ne pas nuire

Primum non nocere, telle a toujours été et demeure la grande maxime en médecine. Pas toujours facile à observer tant on se trouve parfois devant des choix cornéliens. Et pour les familles et l’entourage des adeptes, comment d’abord ne pas nuire, sachant bien par avance qu’on n’échappera pas à certains dilemmes ? Petit inventaire des réactions possibles :
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Scientologie : la dissolution perdue

Le lundi 14 septembre 2009, la MIVILUDES annonce qu’une modification d’une loi votée le 12 mai et promulguée le 13 mai 2009, ne permet plus à un magistrat de dissoudre les personnes morales condamnées pour escroquerie. « Intervenue sans débat », cette modification législative rend donc impossible la dissolution de deux structures de la Scientologie réclamée par le Parquet à l’issue du retentissant procès de juin 2009. Cette nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre et suscité nombre de réactions de la part de femmes et d’hommes politiques dont de nombreux députés. Elle a donné lieu à de très nombreux articles et à une kyrielle d’émissions ou d’interventions dans les médias (presse écrite et audiovisuel) ainsi que sur internet.
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Scientologie : le verdict

Le 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu la Scientologie coupable « d’escroquerie en bande organisée ». Il a condamné les deux personnes morales : l’Association spirituelle de l’Eglise de Scientologie-Celebrity Centre (ASES-CC) et la librairie Scientologie Espace Liberté (SEL), à des amendes respectives de 400.000 et 200.000 euros, reconnaissant dans le jugement que les méthodes utilisées par ces deux structures étaient « délictuelles ».
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Editorial

En 2004, en réponse au nombre important d’interrogations concernant la santé auprès de nos associations, nous avions publié un numéro entièrement consacré à cette question (n° 84, Dérives sectaires et santé).

Depuis, soulignant la préoccupation des pouvoirs publics vis à vis de ce problème, les rapports de la MIVILUDES ont régulièrement fait état des risques induits par des thérapies diverses dans le domaine de la santé et du bien-être. Et, en février 2009, le ministre de la santé a créé un groupe d’appui technique sur les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique auprès du directeur général de la santé.

Les associations de victimes, de leur côté, n’ont pas vu le nombre d’interrogations ou de plaintes diminuer.

Alors que la médecine scientifique ne cesse de progresser dans sa connaissance des maladies, des techniques de diagnostic et de traitement, que la prévention se développe et que, grâce à ces divers éléments, l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, l’offre de thérapies alternatives, de médecines parallèles, séduit un public de plus en plus large.

S’appuyant sur des théories New age ou néo orientaliste, ces médecines
promettent mieux-être, voire guérison, par une multitude de techniques douces, énergétiques, harmonisantes… . Et, surtout, les patients pensent trouver auprès de leurs acteurs une écoute attentive, une qualité relationnelle qui répond à un authentique besoin, et qui, trop souvent, peut manquer dans le cadre de la médecine officielle. Dans de nombreux domaines, en effet, notre société tend à privilégier la formation technique au détriment de la formation relationnelle.

Mais ces offres séduisantes comportent souvent des risques, de la simple escroquerie, à la dérive thérapeutique, voire la dérive sectaire ; et les conséquences pour les victimes et leur entourage peuvent être extrêmement graves.

En 2009, l’UNADFI, en association avec les ADFI locales, a souhaité alerter le public sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé à travers plusieurs colloques régionaux : ce numéro de BULLES s’en fait l’écho dans plusieurs articles.

Une pseudo-thérapie

Un témoignage parmi d’autres reçus par les ADFI, qui illustre plusieurs points évoqués dans les articles de ce numéro de Bulles : l’usage ambigu du terme « thérapeute », le fonctionnement en réseau des acteurs du marché du « mieux-être », les questions concernant la formation, les compétences, la déontologie…
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Editorial

Le développement des outils de communication, particulièrement d’Internet, permettant aujourd’hui de s’informer rapidement et largement, on peut s’étonner qu’il y ait encore des personnes pour croire et suivre des « gourous » en tout genre et se retrouver sous leur emprise jusqu’à subir de graves préjudices non seulement matériels mais aussi moraux, psychologiques, affectifs.

Bien sûr, on peut penser que les manipulateurs profitent de la crise économique et d’un certain désarroi idéologique, pour proposer des réponses (mauvaises) aux multiples questions que chacun peut se poser. Mais il faut aussi constater que sectes et escrocs s’adaptent avec aisance aux mutations des sociétés, et qu’ils savent habilement utiliser à leur avantage des psychotechniques en plein essor.

« Les sectes avancent masquées » prévenait-on déjà il y a quelques années. Aujourd’hui, il faut ajouter que leur terrain d’action s’est élargi, en particulier aux domaines de la santé et du développement personnel, et qu’il est plus difficile de détecter un masque dans une société de plus en plus diversifiée.

Il faut pourtant faire l’effort de soulever les masques, car une proposition séduisante peut se révéler un véritable piège. Plusieurs articles de ce numéro de Bulles permettent d’appréhender un peu plus cet « envers du décor » qu’il importe de connaître avant de s’engager.

Par exemple, le néophyte séduit par la proposition scientologue d’améliorer ses performances et sa maîtrise des situations, sait-il que l’appartenance à cette organisation, qui se prétend église, est liée à l’application rigoureuse de
règlements internes bien éloignés des valeurs qui fondent nos démocraties ? C’est ce que rappelle l’avocat américain Graham Berry, en relatant la naissance et
l’action du mouvement des Anonymous : mouvement lancé aux Etat-Unis, et maintenant présent dans le monde entier, par des citoyens indignés des procédés de la Scientologie pour maintenir son statut et éliminer toute opposition. Leur signe de ralliement : un masque ! Mais bien identifiable, celui-là, parce que destiné à contrer les méthodes scientologues et non pas à masquer un autre but.