Éditorial

Reconnaissance

Le 13 avril à l’Hôtel de Ville de Soissons, Alain Vivien a remis la Légion d’honneur au Père Jacques Trouslard, en reconnaissance d’une vie de combat pour les Droits de l’Homme. Dans une réponse toute épicée de l’humour que nous lui connaissons et qui ne se laisse jamais aller à l’ironie, le récipiendaire a tenu à souligner qu’il « n’y était pour rien »… Rien ? Une vie de résistant lors de la deuxième guerre mondiale, et de lutte contre les comportements des sectes durant ces vingt dernières années.

C’est par hasard, a-t-il dit, qu’il a été lancé dans cette aventure, à partir d’une lettre reçue par son évêque, et à laquelle celui-ci lui demandait de répondre. Le Père Trouslard rappela alors son enquête exhaustive sur la secte pseudo-catholique de Saint Erme, ce qui était particulièrement délicat puisqu’au premier abord il devait s’en prendre, en l’occurrence, à sa propre église. Il comprit sur le vif ce qu’était la manipulation mentale par laquelle un prêtre égaré avait dévoyé plusieurs centaines de personnes de haute culture et sincères dans leur recherche de spiritualité. Plusieurs anciens adeptes étaient présents, toujours reconnaissants d’avoir pu se rétablir sur tous les plans.

Parmi tous les remerciements formulés avec une rare élégance, ce fut l’occasion pour le Père Trouslard d’insister tout particulièrement sur le fait que sa décoration était aussi celle des anciens adeptes qui, ayant pris pleinement conscience de la tromperie, ont eu le courage insigne de témoigner, conscients de ce que personne ne pouvait avoir plus d’efficience qu’eux-mêmes dans le dur travail de prévention.

Oui, nous tenons à redire, à la suite du Père Trouslard, la dette que les associations de défense, les organismes publics, la société enfin dans son ensemble ont contractée vis-à-vis de personnes que leur rupture avec la secte laissaient complètement démunies, et mettaient dans bien des cas littéralement « à la rue ». Ces personnes-là ont eu le formidable ressort de dire leur part de vérité, et de porter plainte. C’est à eux pour l’essentiel que l’on doit l’évolution des esprits, et au premier chef de la magistrature. On peut en suivre les étapes à travers les nombreux procès que les sectes ont intentés au nouveau chevalier, qui n’a pas manqué de dire au passage sa reconnaissance aux avocats qui l’ont défendu gratuitement, et à la Presse qui a diffusé les témoignages au prix, elle aussi, des procès visant à la museler.

Une grande leçon se dégage là, destinée à tous : que chacun, méditant sur la droiture de l’esprit, joue son rôle, ni plus ni moins, là où la vie l’a placé.

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