Olivier Raurich a été le bras droit de Sogyal Rinpoché durant 30 ans. Quatre ans après le décès du fondateur de Rigpa, déchu par le Dalaï Lama à la suite d’accusations de viols, d’abus sexuels, d’abus financiers et de maltraitances, il publie un livre dans lequel il relate sa vie aux côtés du lama. Il y raconte les dérives de ce dernier et comment son emprise a opéré jusqu’en 2015, année où il a quitté la communauté de Lerab Ling située à Roqueredonde (34).
Olivier Raurich a occupé des fonctions importantes au sein du mouvement. Il a été l’interprète personnel de Sogyal Rinpoché, mais aussi président de Rigpa France, en charge des enseignements. Sorti du groupe depuis huit ans, il a le recul nécessaire pour analyser comment le système l’a maintenu dans la communauté de longues années et l’a amené à supporter des abus durant 30 ans.
Pour lui, tout a commencé par des conférences. Puis dans un rapport maître-disciple, il percevait comme une chance de fréquenter un maître adoubé par la Dalaï Lama. En dépit de son aversion pour le côté dominateur et autoritaire de Sogyal, il reconnaît avoir été longtemps dans une dévotion aveugle, et ce malgré des alertes qu’il percevait. Aujourd’hui, il regrette, par exemple, de ne pas avoir pris au sérieux la plainte pour viol déposée en 1994 au civil aux Etats-Unis, ainsi que d’autres allégations du même type. Il a aussi été témoin des insultes de Sogyal, de ses moqueries et de son avidité pour l’argent.
Lui-même a été victime de l’emprise de son mentor. Engagé corps et âme dans la communauté, il lui a donné son temps et son énergie. Il a vu d’autres membres vivre dans des conditions précaires tandis que Sogyal, entouré de belles femmes, voyageait dans le monde entier et fréquentait des hôtels cinq étoiles.
Si Olivier Raurich ne remet pas en cause les exactions de Sogyal Rinpoché, il dénonce aussi le « système religieux patriarcal archaïque » du bouddhisme tibétain qui l’a amené à accepter l’inacceptable.
Pour lui la base de l’aliénation réside dans le principe de « folle sagesse » qui considère que lorsque le maître est réalisé, il est « au-dessus de l’éthique ordinaire ». Ses actes, même les plus scandaleux, sont acceptés et ne sont plus remis en question car ils auraient un sens caché aux yeux des disciples. Ce principe peut donner lieu à bien des dérives.
Concernant Sogyal Rinpoché, Olivier Raurich explique que les choses ont empiré au milieu des années 2000, quand il est devenu directeur du centre de Lerab Ling. Le soutien du Dalaï Lama, qui a visité deux fois le monastère, et l’inauguration en présence de Carla Bruni et de membres du gouvernement français l’ont rendu mégalo et l’ont transformé en « potentat religieux ».
L’affaire Sogyal Rinpoché a probablement changé des choses dans le bouddhisme tibétain, pense Olivier Raurich, mais la dévotion au maître reste au cœur de son fonctionnement et la souffrance considérée comme purificatrice et passage obligé vers l’éveil est acceptée par les disciples. C’est pourquoi, aujourd’hui, de nombreux adeptes de Sogyal le considèrent encore comme un grand maître.
(Source : Midi Libre, 29.09.2023)