Jésus t’aime. La déferlante évangélique

Autrefois majoritairement catholique, les brésiliens se tournent massivement vers les églises évangéliques, au point de bouleverser l’ensemble de la société. Lamia Oualalou, journaliste spécialiste de l’Amérique Latine, rend compte de ce phénomène dans son ouvrage et analyse cette rapide expansion, leur influence grandissante dans la sphère politique et leur impact sur la société brésilienne.

Les églises évangéliques sont présentes depuis le début du XXe siècle au Brésil, mais elles se sont surtout imposées depuis la fin des années 1970 avec, en particulier, le développement de l’Église Universelle du Royaume de Dieu (EURD) qui en est la principale représentante. Aujourd’hui le Brésil abrite la troisième communauté pentecôtiste du monde.
Issues du pentecôtisme américain, les églises évangéliques brésiliennes, avec une grande capacité d’adaptation, empruntent aussi des éléments aux spiritualités locales telles que le candomblé1 ou le spiritisme.

Mais leur succès vient surtout de leur capacité à investir les domaines délaissés par l’État et l’Église catholique. Elles prospèrent dans les quartiers pauvres et attirent à elle les oubliés du développement économique. Promouvant la théologie de la prospérité2, les Églises évangéliques sont totalement décomplexées vis-à-vis de l’argent et encouragent leurs adeptes à tout faire pour en gagner, mais aussi pour le dépenser. Ils sont plus particulièrement incités à consommer des produits étiquetés « évangéliques » tels que le « Juda Cola (censé faire barrage au Coca Cola, boisson du diable), et surtout à verser des dons et la dîme, 10 % de leur salaire, au culte.

Promettant aux démunis la libération de leurs intolérables conditions de vie, cette religion se présente, selon l’auteur, comme « religion de l’autonomisation de l’individu, qui s’adapte aux contextes locaux et répond de surcroît aux problèmes de chacun ». Mais elle apporte aussi une solidarité et un sens du collectif parfois absents de la société brésilienne.
Fortes d’importantes réserves financières, les Églises évangéliques se sont tournées vers les médias pour diffuser largement leur discours rigoristes. Certaines sont devenues de véritables empires médiatiques.

Les chants et la musiques rendent les offices attrayants au point de voir certains titres d’artistes évangé liques bien classés dans les « charts » (hit) brésiliens. Si certaines Églises sont progressistes, la majorité défend des idées très conservatrices qu’elles essaient de répandre dans la société brésilienne en s’investissant dans la politique. Le maire de Rio, Marcelo Crivella est membre de l’EURD. Le Parlement brésilien compte à ce jour, 20 % de députés évangéliques. De droite, ils essaient de faire barrage aux avancées en bioéthique, d’opposer leur veto à des programmes scolaires jugés inadéquats, luttent contre les droits des LGBT qu’ils considèrent comme une menace pour la société. Pour les évangéliques, tout doit être conforme à la Bible, même les séries télés, les jeux de société ou les planches de skate…

(Sources : Slate, 02.02.2018 & Les Inrocks, 07.02.2018)

(1) Le Candomblé est une religion syncrétique monothéiste importée par les esclaves venus de différentes nations d’Afrique. Longtemps obligés de se cacher pour pratiquer leur culte, les adeptes ont intégré les saints catholiques à leur panthéon pour sortir de l’ombre. Pratiqué par près de 1,5% de la population brésilienne, le Candomblé s’est par ses pratiques (musique, danses, fêtes) intégré au folklore local.

(2) La théologie de la prospérité est une croyance selon laquelle Dieu récompenserait les plus zélés et les plus généreux de ses fidèles en leur attribuant des bienfaits tels que le confort matériel. En d’autres termes, plus on donne, plus on reçoit.

  • Auteur : Lamia OUALALOU
  • Editeur : Cerf
  • Date de publication : 16/03/2018