Développement (im)personnel, le succès d’une imposture,

Dans une société individualiste où l’on se doit d’être constamment performant, le développement personnel suscite un énorme engouement. Censé apporter les outils pour être « soi-même » ou « réussir sa vie », en quoi pourrait-il être dangereux ? C’est la question à laquelle la philosophe Julia de Funès propose de répondre dans son essai « Développement (im)personnel ».

Au premier abord, les objectifs du développement personnel semblent louables et sans danger. Prenant l’exemple de la drogue ou de l’alcool, Julia de Funès, explique cependant que ce qui fait du bien n’est pas forcément bon pour celui qui l’utilise. Derrière la promesse de devenir soi-même, d’être authentique et libre, se cache une injonction à rentrer dans un moule imposé par des outils d’évolution qui sont les mêmes pour tout le monde.

Lié à la montée de l’individualisme, analyse Julia de Funès, sa progression est une conséquence de la chute des grandes institutions. Sans repère pour les guider, les gens sont devenus les uniques responsables de leur vie et ne doivent qu’à eux-mêmes leur réussite. Pensée perverse qui exonère les institutions de leur rôle.

Dans un monde où la performance et l’apparence sont reines, le développement personnel, permet de se prendre en main d’une façon plus rapide et facile qu’en entamant une psychothérapie qui demande de s’avouer en souffrance, une hérésie dans une « société qui valorise le bien-être ».

Le recours à un coach est plus simple, selon l’auteure, car il se positionne d’emblée comme le compagnon de route de son client et non en autorité comme pourrait l’être un médecin ou un psychologue. Sachant « jouer sur les attentes les plus communes de l’humanité » il donne au client l’impression d’être aimé, apprécié, considéré ; à son contact, le client éprouve un réconfort immédiat.

La demande croissante de bien-être entretient un marché florissant dans lequel se sont engouffrés nombres d’éditeurs et de librairies. Mais pour Julia de Funès, c’est « une littérature de soumission à l’air du temps, d’allégeance aux besoins psychologiques du moment », […] répondant parfaitement aux attentes « type » du profil sociologique de l’individu moderne ». Bien que le développement personnel puisse faire du bien, il peut aussi « illusionner, décevoir, culpabiliser, sinon détruire ». L’injonction au bien-être obligeant à être constamment performant et heureux, l’individu risque d’entrer dans une logique d’asservissement l’obligeant à essayer de résoudre rapidement des « problèmes existentiels d’une complexité sans bornes et d’une durée d’une vie ». Puisque tous les outils pour être heureux sont à sa portée, pourquoi serait-il malheureux ?

(Source : Marianne, 26.09.2019)

  • Auteur : DE FUNES, Julia
  • Editeur : L'observatoire
  • Date de publication : 11/10/2019