En Pennsylvanie, Jonathan et Grace Foster, membres de la congrégation Tabernacle de la Foi (Faith Tabernacle), basée à Mechanicsburg, dont la foi interdit tout traitement médical, sont accusés de la mort de leur petite fille de deux ans, Ella Grace, des suites d’une pneumonie. Ils ont été inculpés d’homicide involontaire et de mise en danger d’enfant.
Les Fosters attribuent la mort de l’enfant à la « volonté de Dieu ». Selon un expert en pathologie, la petite fille avait 95% de chance de survivre si elle avait bénéficié d’un traitement antibiotique.
Ils ont été libérés sous caution et ont rejoint leurs six autres jeunes enfants à la condition de les conduire chez un médecin si nécessaire.
Leur église rejette toute forme de soins médicaux. Déjà, en 1995, Denise Houseman qui souffrait de complications de la maladie de Crohn n’avait jamais vu de médecin. Atteinte d’une forte fièvre et d’ulcères béants sur son abdomen, ses parents lui demandaient de prier avec plus d’ardeur. C’est son frère aîné qui a pris la décision de la conduire à l’hôpital où Denise n’a jamais reçu de visites de ses parents. A sa sortie, elle a quitté ses parents et l’église.
La mort d’Ella s’ajoute à la liste des enfants qui, chaque année, meurent en raison des convictions religieuses de leurs parents. Au cours des dernières décennies en Pennsylvanie, les décès de près de trente enfants par refus de soins médicaux pour raisons religieuses ont mis en évidence la nécessité d’une réforme.
Dans le cadre d’une modification législative sur l’abus sexuels sur enfants, l’état de Pennsylvanie a renforcé sa loi en 2014 qui dispose désormais que l’exemption religieuse ne s’applique pas dans les cas où le défaut de soins médicaux ou chirurgicaux a provoqué la mort de l’enfant. La loi permet également aux Services à l’enfance et à la jeunesse de surveiller et d’intervenir même en cas d’exemption religieuse. Cette nouvelle loi a renforcé les dispositions relatives à la maltraitance des enfants, tout en conservant la disposition d’exemption religieuse.
Les défenseurs des enfants et la communauté médicale reconnaissent en grande partie le droit à la liberté religieuse, mais dans la limite du bien-être des enfants. Ils considèrent que les enfants ont droit à des soins médicaux, qu’ils ont le droit de vivre et que ce n’est pas aux parents de leur imposer leur croyance au point de leur prendre leur vie.
Sur le plan national, une douzaine d’enfants américains meurent chaque année dans des situations similaires. Le Dr Paul Offit, professeur en pédiatrie, pense « que c’est à bien des égards le sale petit secret de l’Amérique ». Seul l’Etat de l’Oregon a explicitement interdit la guérison par la foi comme argument de défense des parents qui, aveuglés par leurs croyances, ont laissé mourir leurs enfants.
D’autres mouvements sont impliqués dans des cas similaires
La doctrine des Amish n’est pas opposée aux soins médicaux mais tend à favoriser les remèdes dits « naturels ». Les membres de la communauté ne souscrivent pas à l’assurance maladie. Il existe des cas d’enfants morts par négligence qui ne sont, dans le cas des Amish, presque jamais contestés. En 2013, par exemple, Naomi et John Stoltzfus du comté de Lancaster ont plaidé coupable suite au décès de leur enfant, mort le 21 avril 2016 d’une septicémie. Le Département de la protection sociale de la Pennsylvanie a cité l’affaire comme suit : « Les parents appartenant à la communauté Amish ont déclaré avoir utilisé des remèdes naturels pour traiter leur enfant. Les autorités ont déterminé que l’enfant aurait survécu avec une intervention médicale rapide et un médicament coûtant moins de cinq dollars. Les parents ont tous deux été accusés de délit mineur de mise en danger du bien-être d’un enfant. Ils ont été condamnés à sept ans de probation et ont reçu l’ordre d’assister à des cours parentaux. »
Rita Swan, ancienne membre de l’Eglise de la Science Chrétienne pense que les croyances tissent des liens forts entre les membres générant un sentiment de supériorité qui peut être dangereux. En 1977, son fils Matthew était atteint d’une forte fièvre. S’opposant à des membres de l’église qui lui conseillaient d’avoir plus de foi en Dieu, elle conduisit son fils à l’hôpital mais trop tard; l’enfant décèdera d’une méningite.
La mort de Matthew a convaincu Rita Swan de quitter l’église et de se battre à travers son association, Childas Healthcare, pour l’abrogation de la loi sur l’exemption religieuse. Cette loi est un vestige de l’administration Nixon : deux membres de son cabinet qui appartenaient à la Science Chrétienne, HR Haldeman et John Ehrlichman1 ont usé de leur influence pour que la loi fédérale contienne des dispositions d’exemption religieuse. Pour bénéficier d’un financement fédéral, les Etats ont dû étendre les exemptions religieuses aux communautés croyant à la guérison par la foi.
Catherine et Herbert Schaible, membres de l’Evangile du Premier siècle, ont perdu deux enfants d’une pneumonie, le premier Kent en 2009, le second Brandon en 2013. Après la mort de Kent, le couple avait été condamné à 10 ans de probation avec injonction de faire appel à la médecine au cas où un de leurs huit enfants tomberait malade. Mais la mort de Brandon a provoqué la colère du juge qui a estimé que le couple avait violé les obligations de sa liberté conditionnelle. Les Schaible ont été reconnus coupables de meurtre. Ils ont été condamnés à trois ans et six mois de prison, peine clémente mais confirmée en 2015 par la Cour supérieure de Pennsylvanie.
Entre 1990 et 2009, l’Oregon a été endeuillé par une vague de décès d’enfants appartenant à l’Eglise des Disciples du Christ (Followers of Christ)2. Ces décès ont suscité l’intérêt de la communauté internationale. Rita Swan s’y est rendue et a rejoint un comité de citoyens et d’avocats dans leur combat contre l’exemption religieuse. En 2009, l’Assemblée législative de l’Oregon a abrogé les neufs exemptions relatives aux soins médicaux des enfants dans l’Etat. Depuis lors, plusieurs membres de l’église ont été poursuivis avec succès en Oregon, y compris Dale et Shannon Hickman qui en 2011 ont été reconnus coupables d’homicide involontaire au deuxième degré après le décès de leur fils mort à la naissance, d’une banale infection.
(Source : APNews, Michael Rubinkam, 02.02.2017 & PennLive, 16.02.2017)
1- Tous deux ont été emprisonnés pendant 18 mois pour leur rôle dans scandale du Watergate.
2- Communauté chrétienne basée dans l’Oklahoma et l’Oregon. Elle est connue pour ses pratiques de guérison et pour son intolérance à l’égard de ceux qui auraient recours aux soins médicaux. Un ancien médecin légiste de l’État de l’Oregon affirme que le taux de mortalité infantile dans la communauté est 26 fois supérieur à la moyenne nationale.
À savoir
Les familles de l’église Tabernacle de la Foi sont généralement grandes; elles peuvent compter une douzaine de personnes. Elles ne regardent pas la télévision, n’écoutent ni la radio ni la musique populaire Les femmes portent uniquement des robes. Alcool, cigarettes et sexe avant le mariage sont également formellement interdits.
Les membres de l’église rejettent toute forme d’intervention médicale : les vaccinations ou les simples consultations chez un médecin. Ils ne sont pas autorisés à porter des lunettes ou des prothèses auditives, ni à s’aider de cannes. Même les tisanes aux supposées vertus médicales sont proscrites. Les parturientes ne doivent pas demander l’aide d’une sage-femme.
L’église Tabernacle de la foi considère que la maladie est une question morale, le résultat d’une mauvaise relation avec Dieu. En 1990, son école a été le foyer d’une épidémie de rougeole. Face à cette crise de santé publique, les autorités se sont tournées vers la justice pour contraindre les parents à faire vacciner leurs enfants. Lorsque le tribunal a rendu son ordonnance, neuf enfants dont six appartenant à l’église étaient déjà décédés.