Moi, ancien Légionnaire du Christ

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La première fois qu’il rencontre les légionnaires du Christ, à Rome, Xavier Léger est, écrit-il, « terrifié » devant ces jeunes gens, tous pareils, comme statufiés. Et pourtant, pendant sept ans, il sera l’un d’eux. C’est cette expérience qu’il nous livre dans un témoignage parfois troublant.

Jeune adolescent au parcours scolaire chaotique, animé d’une aspiration spirituelle intense, il commence par suivre des cours de philosophie et de théologie.
A l’occasion des JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse), à Paris, il vit une expérience émotionnelle et spirituelle qui le bouleverse. Deux jours plus tard, lors d’un rassemblement de jeunes, il rencontre le père R., un légionnaire du Christ. Ce dernier va l’inviter aux activités du Regnum Christi, un mouvement laïc attaché à la Légion du Christ. La présence de ce religieux envahit peu à peu sa vie, il se fait tellement insistant que Xavier, de guerre lasse, intègre le mouvement. Ses interrogations sur sa vocation sont fortement influencées par le père R, pour lequel il éprouve tout à la fois admiration et crainte.

Il réalisera, un peu plus tard, qu’il avait en réalité eu affaire à un « recruteur vocationnel » qui, comme n’importe quel commercial, doit « faire du chiffre », et cette découverte le blessera profondément.

Après bien des hésitations, Xavier entre au noviciat, où il découvre la vie quotidienne d’un légionnaire, faite d’obligations et d’interdits multiples. Un rythme soutenu, un temps sans cesse occupé, et le manque de sommeil épuisent le corps et l’esprit et interdisent toute pensée ou toute prise de recul. La « direction spirituelle » hebdomadaire, centrée sur l’évolution de son « intégration » à la Légion, lui pèse. Il ressent comme une « spiritualité à l’envers ».

Dans la Légion, « toute la spiritualité et la discipline religieuse » gravitent autour du père Maciel, fondateur emblématique de l’oeuvre. Et Xavier Léger a l’impression d’avoir été trompé : il est venu pour Dieu, il se retrouve à prier Maciel. Il a des doutes, mais la caution de l’Église, et surtout du pape, l’impressionne tant qu’il poursuit et prononce ses premiers vœux lors d’une cérémonie solennelle. Les nouveaux légionnaires prononcent de plus, à l’insu des familles, des « vœux d’humilité et de charité », vœux « privés » par lesquels chacun s’engage « à dénoncer au directeur général tout religieux qui aurait contrevenu à ces vœux »…

Quand il découvrira ce qu’ont été les turpitudes de la vie de celui que la congrégation considère comme un saint : polygamie et pédophilie, il trouvera le courage de partir, dans un état physique et psychologique déplorable. Il apprend aussi que lorsque le scandale de la vie du Père Maciel ne pouvait plus être étouffé, l’Église a pris prétexte de son mauvais état de santé pour le mettre au repos, et lui éviter un procès canonique.

Estimant de son devoir de faire connaître ce qu’il a appris sur le fondateur et le fonctionnement de l’institution, il crée un blog [1] sur lequel il recueillera des dizaines de témoignages de jeunes ayant quitté la congrégation, certains même y ayant été abusés. Nanti de toutes ces preuves, il s’adressera ensuite aux plus hautes autorités de l’Église. En vain. Il comprendra également, et ce sera un déchirement, que le pape Benoît XVI était parfaitement au courant des dysfonctionnements de l’Institution, dénoncés depuis des décennies.

Il décidera alors de rédiger un témoignage, pour pouvoir se libérer de ses années d’enfermement mental. Avant de clore son ouvrage il aura compris que la « raison d’Église » – tout comme la « raison d’État » – peut justifier et absoudre mensonges et manipulations.

On lit ces pages avec un certain effarement en constatant que des responsables de l’Église catholique, informés des graves accusations qui pesaient sur Marcial Maciel, ont sciemment laissé des jeunes continuer à intégrer ce mouvement. La description, confirmée par beaucoup d’autres témoignages, des pressions lors du recrutement, de la vie quotidienne des novices, des mensonges et manipulations y compris dans la « direction spirituelle », montre que la priorité est donnée au développement, à l’enrichissement (en membres et en argent) et à la défense de l’institution et de son fondateur. Le fonctionnement de cette congrégation, non respectueux de la liberté de conscience et de la dignité des personnes, conduit à de graves dérives sectaires que les autorités religieuses ont trop longtemps cautionnées. Il importe aujourd’hui de mettre en garde les jeunes candidats, idéalistes et volontaires, contre les risques d’un tel engagement. [1] EXLCBLOG.INFO Prévention à l’égard de la Légion du Christ et du Regnum Christ : http://www.exlcblog.info/

  • Auteur : Xavier Léger (avec Bernard Nicolas)
  • Editeur : Editions Flammarion, septembre 2013.
  • Date de publication : 14/10/2013