Thérapie et santé dans le rapport 2007 de la MIVILUDES

Le rapport 2007 de la MIVILUDES a été remis au Premier Ministre le 3 avril 2008. Ce document est le cinquième depuis la création de la Mission en décembre 2002.

La presse et les médias audiovisuels ont abondamment rendu compte du cinquième rapport annuel de la MIVILUDES qui fait le point sur les nouvelles stratégies des mouvements sectaires en France. Lors de sa présentation à la presse, le jeudi 3 avril 2008, le président, Jean-Michel Roulet, a déclaré que la mouvance sectaire s’est engouffrée dans les domaines de « l’accomplissement de soi » et de l’humanitaire.
Le rapport pointe aussi des thérapies dérivantes telles les « faux souvenirs induits » qui amènent des patients à se rappeler des abus sexuels fantasmés commis dans leur petite enfance, et il met également en exergue la progression du satanisme chez les jeunes…
Vous trouverez ci-après une synthèse de ce rapport.

 

Les dérives psychothérapeutiques : le cas des faux souvenirs
induits

Dans la première partie,  » prévention et évaluation du risque « , la MIVILUDES traite d’un phénomène né dans la seconde moitié du vingtième siècle sur le continent nord-américain, et particulièrement aux Etats-Unis : les faux souvenirs induits.
Ce syndrome des faux souvenirs est le fait de praticiens ramenant systématiquement toutes les difficultés de la personne à des souvenirs occultés d’abus sexuels commis dans la prime enfance par des proches. Ils peuvent aussi avoir été commis au cours de rites sataniques ou bien encore concerner de pseudo « vies antérieures » ou des enlèvements par des extra-terrestres…

En France, dès 1970, le groupe Saint-Erme appelé également « L a Famille de Nazareth » induisait chez ses adeptes de faux souvenirs d’inceste, entraînant alors des ruptures familiales particulièrement douloureuses.

Un grand spécialiste du phénomène sectaire, le Père Jacques Trouslard, avait, déjà à cette époque, identifié ce syndrome des faux souvenirs.
Delphine Guérard, psychologue clinicienne auprès de l’association « Alerte Faux Souvenirs Induits » (AFSI) distingue trois catégories de méthodes susceptibles de générer ce syndrome : des méthodes manuelles de « traitements énergétiques » associés à des massages comme la « reprogrammation énergétique » ; des méthodes psychothérapeutiques intensives et systématiques, telle la catharsis Glaudienne, qui « solutionnent en profondeur » les problèmes psychologiques ; des méthodes relatives aux thérapies de l’approche transgénérationnelle.

L’AFSI, depuis sa création en juillet 2005, a été sollicitée « sur plusieurs centaines de drames familiaux.

Les conséquences des fausses accusations d’abus sexuels sur des parents et des grands parents ont des conséquences dramatiques sur la santé des accusés comme d’ailleurs sur celle des accusateurs. A noter que les plaintes devant la justice ont toutes été déclarées sans suite.
Le syndrome des faux souvenirs est une arme particulièrement efficace de déstabilisation et de mise en sujétion des individus. Est-ce une conséquence d’une multiplication et d’une diffusion rapide de méthodes psychothérapeutiques à travers des pratiques dévoyées ? La réponse est peut-être dans les défaillances, voire l’inexistence d’un encadrement des formations et des pratiques qui restent « un encouragement pour les charlatans ou les gourous développant des entreprises sectaires ».
A lire sur le site de l’UNADFI, l’étude réalisée sur les Faux souvenirs

Regard d’une psychologue sur les dérives de la pratique des faux souvenirs induits

La dernière étude est présentée par Delphine Guérard, psychologue clinicienne à l’AFSI (Alerte Faux Souvenirs Induits). Elle donne les clés pour mieux « décrypter ce phénomène » et fait le point sur la situation en France. Elle passe à la loupe les théories et les méthodes des thérapeutes qui induisent ces faux souvenirs et analyse les caractéristiques des psychothérapies qui lui permettent de repérer leur aspect sectaire et elle n’oublie pas de mentionner le calvaire vécu par les familles accablées par de pseudo-révélations d’abus sexuels. Dans une telle situation, il est important que les familles s’informent sur les psychothérapies en général et sur ce phénomène des faux souvenirs, mobilisent leur entourage, constituent une puissance collective grâce au milieu associatif et soient accompagnés et soutenus par des professionnels. Ce phénomène soulève un certain nombre de questions fondamentales autour des psychothérapies et notamment de leur contrôle.

Stupéfiants et dérives sectaires

De nombreux signalements ont conduit la MIVILUDES à mettre en place des actions de formation et de prévention, axées sur les dangers de dérives sectaires liées à l’emploi inconsidéré de l’ayahuasca et de l’iboga. Les services de l’Etat ont su réagir rapidement et contraindre les organisateurs de stages à renoncer à utiliser ces deux produits qui sont désormais interdits.

Mais c’était sans compter l’utilisation d’une autre plante hallucinogène substitutive aux deux plantes interdites : la datura. Celle-ci est tout aussi dangereuse pour la santé et elle ne fait l’objet d’aucune législation précise. Une publicité lui est faite, via le web, et il est très aisé de s’en procurer. Dans le cadre de la rédaction de son rapport, la MIVILUDE S a recherché des éléments de comparaison sur le phénomène de datura en Europe et aux Etats-Unis.

La MIVILUDES répercute ensuite l’analyse d’un ethnologue qui considère que les substances hallucinogènes ont un « caractère structurant » dans les sociétés indiennes et africaines. Leur utilisation est codifiée et s’appuie sur des rituels ancestraux parfaitement maîtrisés. Par contre, leur usage en Europe est au contraire « destructeur ». Les motivations des chamans européens auto-proclamés sont bien éloignées des concepts des chamans traditionnels.

Ce chamanisme à l’occidentale se développe sans cesse dans de nouvelles voies et certaines revues parlent maintenant d’un concept nouveau : le chaman d’entreprise, basé sur un principe assez « simpliste » car l’entreprise est comparée à une tribu ou à un peuple traditionnel.
En conclusion, la MIVILUDES constate que l’engouement actuel pour les substances hallucinogènes augmentera encore dans les années à venir.

A lire, deux entretiens avec le président de la MIVILUDES

(Source : La Gazette Santé Social / 13.04.2008)

« Dérives sanitaires , sectaires et thérapeutiques »
Le champ de la santé est très prisé par les mouvements sectaires. Entre autres thèmes abordés, Jean-Michel Roulet revient sur le décret concernant l’exercice des psychothérapies.
Il rappelle les étapes qui ont jalonné la mise en place de ce décret qui devrait finalement sortir dans quelques semaines. Bernard Accoyer, à l’origine de l’amendement, est actuellement président de l’Assemblée Nationale et il possède davantage de pouvoir pour imposer son point de vue aux membres du gouvernement.

« Désormais, la demande est beaucoup plus matérielle »
La demande était auparavant « de type spirituel, métaphysique, ésotérique ou encore religieuse ». Désormais, elle se décline en terme de santé, de coaching, de soins et de thérapies alternatives. Aux grands mouvements transnationaux ont succédé « une myriade de petits artisans, d’épiciers du sectarisme, des bricoleurs de quartiers » qui savent eux aussi exercer une emprise psychologique et financière…