La médecine postmoderne prend le pouvoir

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Résultat d’une réflexion de l’auteur sur le positionnement actuel des médecines non conventionnelles, cet essai est dédicacé «  aux nombreux médecins qui pratiquent leur métier avec rigueur, modestie, respect et compassion ». Jean Brissonnet n’est pas médecin, mais  son regard sur la médecine est celui d’un agrégé de physique rompu à la méthode scientifique.  C’est à ce titre qu’il prend la défense de la médecine conventionnelle : depuis Hippocrate en passant par Claude Bernard jusqu’aux études cliniques contrôlées d’aujourd’hui, elle a fait ses preuves pour le bien de l’homme. Mais la médecine actuelle subirait actuellement les assauts d’autres médecines, peut-être jusqu’à un point de non retour.

  • Le post modernisme appliquée à la médecine

La médecine n’échappe pas à la poussée  relativiste observée dans le post modernisme de l’art, l’architecture, les sciences sociales… C’est l’optique du tout se vaut et la méthode scientifique n’est alors qu’une option parmi d’autres voire une simple opinion. En 1968, un médecin, Pierre Cornillot, ouvert à la tendance du moment du rejet des systèmes établis, est chargé de  créer une nouvelle faculté libre de médecine autour de  l’hôpital de Bobigny. Pour ce médecin, introduire dans l’enseignement des méthodes médicales  non conventionnelles est un « progrès médical ». Trente années ont suffi pour que ces pratiques essaiment sur tout le territoire dans un cadre quasi officiel.

C’est dans ce contexte que se répand dans le public le rejet de la médecine conventionnelle, jugée trop technique, trop spécialisée,  froide et déshumanisée, engendrant trop d’effets secondaires… Il est vrai qu’au fil des années, trop souvent, « le patient est considéré comme une machine tombée en panne et conduite dans un atelier pour une réparation »,  l’aspect humain et relationnel étant oublié.

Si Les maladies classiques sont de de mieux en mieux connues et traitées, mais les patients se plaignent de pathologies fonctionnelles qui ne trouvent pas dans la médecine de réponse adaptée. Il faut dire aussi que les  patients ont évolué, ils s’informent sur  Internet, ce qui rend plus difficile le métier de médecin, ils considèrent que tout dysfonctionnement même bénin doit trouver rapidement  sa solution, et ils aspirent à un « soin dans sa globalité ».   C’est, pour l’auteur, « un premier pas vers une médecine holistique qui nie la nécessaire rigueur de la médecine basée sur des preuves ». Car la médecine des preuves n’ayant  pas réponse à tout, des patients  se tournent vers des médecines qui ne s’embarrassent pas de résultats, affirment sans prouver, et prétendent, elles, avoir réponse à tout.

De plus, la clinique évolue de la médecine de transmission vers l’Evidence based medicine (EBM), démarche qui s’appuie sur trois composantes : l’expérience clinique du praticien, les données les plus récentes de la recherche clinique et …les préférences du patient. Et l’auteur de s’exclamer : « Quelle révolution ! C’est la première fois que l’on voit apparaître l’avis du patient dans une démarche médicale ».

  • Les médecines non conventionnelles sont déjà parmi nous

Issues de médecines exotiques (acupuncture, auriculothérapie, réflexologie, Qi-gong…), ou de la mouvance New Age (sophrologie, toucher thérapeutique, aromathérapie, Snoezelen…), elles infiltrent les services hospitaliers publics, parfois même sous la forme de bénévolat : dans les hôpitaux de l’AP-HP plus de quinze traitements dits complémentaires différents sont pratiqués, pour  moitié par des professions médicales et pour  moitié par des paramédicaux et psychologues.

Laissant de côté les principales médecines non conventionnelles qu’il a déjà étudiées dans d’autres ouvrages (homéopathie, acupuncture, ostéopathie et auriculothérapie ou autres techniques de bien-être) J. Brissonnet s’arrête plus longuement sur le toucher thérapeutique et la sophrologie pour en dénoncer l’irrationalité et les risques de dérives sectaires.

Il s’exprime néanmoins sur l’homéopathie, de loin la plus pratiquée, en ces termes : « une insulte et une provocation face à la science…aucune des très nombreuses études cliniques contrôlées bien menées sur le sujet n’a apporté la moindre preuve de son efficacité…et défie le bon sens »

Il déplore que des décideurs rendent, sur ces médecines, des avis discutables  au plan de la méthode d’investigation, comme par exemple le Centre d’Analyse stratégique (CAS). L’académie de médecine, quant à elle « baisse les bras »…

  • Placebo es-tu là ?

Cette interrogation souligne le caractère mystérieux voire mythique, magique et surpuissant de cet effet placebo si couramment  évoqué dans le public. C’est, pour l’auteur, la foi dans l’effet placebo qui justifie le recours à des médecines non conventionnelles. Sur la compréhension de  ce mécanisme  fort peu connu car fort peu étudié, il y aurait confusion entre causalité et corrélation : de nombreux chercheurs constatent qu’on ne tient pas compte de l’existence de la  guérison naturelle et spontanée dans bien des cas. Néanmoins, l’objet placebo a toute sa place dans les études cliniques contrôlées.

Il serait préférable de parler d’un effet contextuel tenant compte du « rituel thérapeutique », de l’environnement, du lieu où se réalisent les soins, de la personnalité et des croyances du patient. Mais l’élément majeur reste la relation patient/praticien. L’effet contextuel peut agir dans le soulagement de la douleur et sans doute aussi dans divers troubles fonctionnels par des mécanismes psychologiques (conditionnement pavlovien ou suggestion) non mesurables, ou des mécanismes neurobiologiques mesurables (hypothèse confirmée de sécrétions d’opioïdes).

Pour finir, l’auteur se demande si tous les décideurs auront le courage de chasser hors de la médecine ces « marchands du temple ». Il appelle à une remise à plat de l’ensemble de la pratique médicale : la formation des médecins et leur recrutement, leur rémunération, qui gagnerait à ne plus se faire à l’acte, leur toute puissance autoproclamée…  

(Source : note de lecture de l’UNADFI)

  • Auteur : Jean Brissonnet
  • Editeur : Books on Demand, 2013, 162 p.
  • Date de publication : 15/12/2014