La Miviludes vient de publier le guide pratique « Santé et dérives sectaires ».
Destiné « à aider à repérer les situations de danger et à proposer des outils pratiques pour pouvoir réagir en conséquence », il s’adresse à la fois aux professionnels et aux particuliers. Il rappelle que le marché alternatif de la guérison et du bien-être est au cœur des pratiques à risque de dérives sectaires.
Dans la préface, le président Georges Fenech communique un certain nombre d’estimations :
- Quatre Français sur dix ont recours aux médecines dites complémentaires (dont 60 % parmi les malades du cancer) ;
- 400 pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique sont proposées ;
- 1.800 structures d’enseignement ou de formation sont considérées « à risques » ;
- 4.000 « psychothérapeutes » autoproclamés n’ont suivi aucune formation et ne sont inscrits sur aucun registre ;
- 3.000 médecins seraient en lien avec la mouvance sectaire.
Le guide se décline en une série de fiches d’informations et de conseils :
Dans la première partie, il décrypte tout d’abord les mécanismes par lesquels les mouvements sectaires peuvent sévir dans le champ sanitaire. Ainsi, une dérive thérapeutique devient sectaire lorsqu’un pseudo-praticien essaie de faire adhérer un patient à une croyance et un à nouveau mode de pensée, prétextant, par exemple, « l’inutilité des traitements conventionnels ». Cette dérive s’accompagne d’un mécanisme d’emprise mentale destiné à ôter toute capacité de discernement.
_Les techniques d’approche restent multiples, amenant progressivement le patient dans un processus d’adhésion inconditionnelle à une méthode.
Le guide passe en revue quelques méthodes extraites pour partie du rapport 2010 de la Miviludes, précisant que de nouvelles méthodes font chaque jour leur apparition… Les plus courantes, les méthodes « psychologisantes » reposent sur trois postulats : la culpabilité du patient dans le développement de sa maladie ou de son mal-être, l’angoisse de la maladie et enfin, la revendication d’un mieux-être dans une société individualiste et matérialiste. Le décodage biologique et ses « pratiques assimilées » ainsi que « les faux souvenirs induits » font partie de ces méthodes « psychologisantes ».
Le guide pointe encore les méthodes « par massage ou apposition des mains » , les méthodes par ingestion de substances diverses (huile essentielle, jus de citron, acide, urine…), les méthodes aux fins de prévention et de développement personnel qui, observe la Miviludes, ont fait l’objet d’un nombre significatif d’affaires judiciaires, et enfin les méthodes par le « rééquilibrage de l’énergie ».
Dans le dispositif public de vigilance, le guide revient sur la création, le 3 février 2009, du Groupe d’appui technique sur les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT) du Ministère de la Santé, rappelant les trois missions de ce Groupe : évaluer les pratiques, informer le public et lutter contre les pratiques dangereuses.
Dans la deuxième partie : « les métiers de la santé face aux dérives sectaires, le guide dispense des conseils pratiques aux professionnels mais aussi aux auxiliaires médicaux relevant du code de la santé publique.
Une fiche spécifique s’adresse à chaque profession réglementée avec laquelle la Miviludes a établi un contact par l’intermédiaire de son Conseil de l’ordre. Ainsi, chaque professionnel y trouvera des conseils utiles destinés à l’aider dans la conduite à tenir face aux situations de dérives sectaires auxquelles il peut être confronté.
La dernière fiche concerne l’introduction de pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCAVT) au sein de l’hôpital. Des tentatives d’infiltration sont initiées le plus souvent par de véritables charlatans de la santé mais elles peuvent être également le fait de médecins « trompés ou déviants », ou de « directeurs de soins » préoccupés par le « bien-être » des patients, ou de membres du personnel « recrutés sur la base de diplômes obtenus dans des centres ou des écoles non reconnus par les pouvoirs publics »…
La troisième partie analyse les situations à risque liées à la nutrition, aux troubles de l’enfant, impliquant des personnes âgées ou handicapées, des patients en fin de vie, au domaine de la psychothérapie et enfin, au refus de soin.
Dans la dernière partie, le guide dispense des conseils pratiques :
- mode de signalement,
- orientation d’un patient victime de dérive sectaire,
- structures pour obtenir des informations utiles, etc.
Les élus locaux et les fonctionnaires territoriaux qui pourraient éventuellement être confrontés à des pratiques à caractère sectaire font l’objet du chapitre final. Le guide traite des cas les plus fréquents. Parmi ceux qui sont évoqués, notons les demandes relatives à la création d’un centre de santé en médecine « holistique » et à la location de salle en vue de la tenue d’une conférence sur une pratique non conventionnelle…
Six annexes complètent ce guide pratique dont un lexique des «méthodes les plus répandues» , le contenu type d’un signalement, les infractions susceptibles d’être commises : exercice illégal de la médecine, de la pharmacie, de la profession de masseur-kinésithérapeute, de la profession de sage-femme, de l’ostéopathie, de la chiropraxie, sans oublier les infractions de droit commun tels l’escroquerie, les risques causés à autrui et le délit d’omission de porter secours.