Jean-Pierre Jougla, juriste, administrateur de l’UNADFI
Une situation juridique peut être abordée de plusieurs points de vue en fonction des conceptions propres au professionnel de justice (magistrat, avocat ou enquêteur) et de la connaissance (ou de la méconnaissance) qu’il a du phénomène sectaire. La question est suffisamment complexe pour qu’un rapport de « réflexion et évaluation des dispositifs judiciaires de lutte contre les dérives sectaires » y ait été consacré sous le titre : « La justice face aux dérives sectaires ».
Paraphrasant le titre de ce rapport je vais illustrer, avec une pointe d’amertume, « les dérives de la justice face aux sectes » en montrant l’incompréhension de la spécificité sectaire dont font parfois montre les juges.
Cette incompréhension provient certainement d’un manque de formation. Les juges (et les intervenants de justice au sens large) commettent trop souvent le contresens habituellement répandu d’assimiler la question des sectes à la question de la religion et, dans un réflexe laïque louable mais mal à propos, considèrent qu’ils ont au premier chef à protéger la liberté fondamentale qui est celle de croire, quelle que soit la croyance. Ce contresens fondamental a pour conséquence que le juriste passe à côté de l’essentiel : le mécanisme d’emprise, processus par lequel un individu va soumettre la totalité de sa personnalité à l’autorité d’un tiers, de façon non volontaire, progressive et au terme de pratiques justifiées par une doctrine, par un projet utopique et par une mission.(…)
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