Le » migrant « , l’ » exilé » est un mélange complexe de nostalgie, de souffrance, de mutité, de richesse intérieure et de fidélités aux racines et aux souvenirs.
A partir de là, Tobie Nathan fonde son ethnopsychiatrie sur l’analyse de l’individu dans sa globalité culturelle, dans ses » attachements » à des langues, des lieux, des divinités, des ancêtres, des manières de faire « .
L’ethno psychiatrie devient alors un champ expérimental de médiation entre les thérapeutiques que rapportent avec eux les » immigrants » et les dispositifs existant en France.
L’originalité de Tobie Nathan réside dans le fait qu’il accorde une considération égale aux thérapeutes occidentaux et aux » guérisseurs locaux « . » Dérive grave » dénoncée par d’autres ethnopsychiatres dont les controverses violentes ont fait l’objet de multiples publications.
Pour Tobie Nathan, les thérapies » traditionnelles « , (comme les rituels de possession, la lutte contre la sorcellerie, la restitution de l’ordre du monde après une transgression de tabou, la fabrication d’objets thérapeutiques) ne sont ni des leurres, ni de la suggestion, ni des placebos . Elles sont ce que leurs utilisateurs pensent qu’elles sont, à savoir des techniques d’influence, le plus souvent efficaces et dignes d’investigations sérieuses. Chacun en effet, reste singulier dans ses relations aux êtres, aux invisibles, au « non humain ».
Dans ce livre, on n’hésite pas à reconnaître qu’en Afrique de l’Ouest, l’action des esprits puisse venir perturber les humains. et qu’il existe d’autres pensées que la nôtre, d’autres modes d’appréhension et de prise en charge des douleurs de l’existence.
En conséquence, les » migrants » peuvent venir parler des êtres de leurs mondes, au Centre Devereux. Les » témoins » n’y sont pas considérés comme des victimes. Ecoutés, aidés, ils sont eux-mêmes les artisans de leur propre expertise.
De façon identique, les sortants de sectes sont reçus et entendus, » car le modèle du fonctionnement sectaire est avant tout, celui du rapt d’âme déliant l’adepte de ses engagements sociaux, de ses attachements civiques, de ses fidélités familiales et de ce fait l’assujettissant au groupe et au gourou. C’est bien l’âme de l’adepte qui est prise et qui lui fait dire ensuite qu’il participe librement à ses nouvelles convictions « .