Le silence de la Vierge

Cet ouvrage, écrit avec un journaliste, présente le témoignage d’une exreligieuse qui a vécu une forme d’abus tout à la fois psychologique et affectif au sein d’une communauté nouvelle. Elle parle d’ « abus spirituel ».

 

Elevée dans une famille catholique sans histoire, Marie-Laure Janssens suit des études à science Po, mais ne se sent pas à l’aise dans un milieu qu’elle trouve superficiel. Elle aspire à autre chose, un ailleurs géographique et spirituel. Un travail universitaire lui fait rencontrer un moine de la Communauté Saint-Jean qui perçoit sa soif d’absolu et lui propose de faire une retraite chez les Sœurs Contemplatives. Elle restera onze ans dans cette communauté avant de la quitter, en 2010. Au cours de ces années, elle a régulièrement écrit à sa famille et, en 2017, elle s’est replongée dans ces cent soixante-dix-sept lettres, que sa mère avait conservées.

 

C’est à partir d’une soixantaine d’entre elles et de courriels à sa famille, ainsi que de comptes rendus à sa supérieure ou de divers échanges avec des évêques, qu’est construit ce récit. Chaque chapitre s’ouvre sur un extrait de ces documents et se poursuit par les réflexions actuelles de l’auteur sur son passé dans la communauté.

 

Deux figures différentes apparaissent dès son admission, très rapide, comme postulante : le Démon et Sœur Marthe, la maîtresse des novices, personnalité charismatique au comportement ambigu. Toute interrogation sur sa vocation et toute faiblesse face au mode de vie rigoureux et aux règles communautaires sont attribuées à l’action du Démon. Sœur Marthe demande des rapports quotidiens sur les moindres faits, gestes et pensées. Les jeunes postulantes ne peuvent rien échanger de personnel, elles sont dans un isolement affectif et une solitude intérieure que Marie-Laure ressent comme une forme de dépersonnalisation. Après seulement deux mois de postulat, alors qu’elle s’interroge toujours sur sa vocation, elle est admise comme novice. 

 

Elle prend alors conscience qu’elle a «remis les rênes de sa vie à ses supérieures ». Elle doit se confier totalement à une unique personne qui est à la fois sa supérieure et sa directrice de conscience, Sœur Marthe ; il ne lui reste aucun jardin secret. Les comptes-rendus quotidiens constituent une forme de conditionnement à l’obéissance, qu’elle supporte difficilement.

 

Durant ses années de vie religieuse, elle voyage beaucoup et elle se trouve à l’étranger lorsqu’éclatent différents scandales causés par des révélations sur la vie du fondateur, ou par des interrogations de familles inquiètes, séparées de leur fille par la communauté. Un suicide, des dépressions, des abandons, des témoignages de familles, une médiatisation des situations amènent alors les autorités religieuses à prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des fondatrices de la communauté. Mais aucune explication n’est donnée aux religieuses qui vivent ces sanctions avec un fort sentiment d’injustice et de révolte.

 

Alors que la congrégation traverse cette grave crise, Marie-Laure Janssens s’interroge sur un manque de liberté intérieure qui lui devient insupportable. Des rencontres extérieures l’aident à se libérer peu à peu du « lien maladif » qui la relie à Sœur Marthe. Elle choisit alors de quitter la vie religieuse.

 

Revenue à l’état laïc, elle a tenté, en vain, de témoigner des dysfonctionnements communautaires auprès des autorités religieuses. Il lui sera demandé de se taire. Elle n’a pas supporté que l’Institution, tout en assurant de ses prières les victimes d’abus, garde un silence « miséricordieux » sur les actes impardonnables des persécuteurs. Elle choisit alors de publier son histoire.

 

Au-delà d’un parcours personnel, ce témoignage permet de comprendre comment l’emprise se met en place à travers le contrôle permanent des détails du quotidien, contrôle institutionnel qui devient autocontrôle « intégré » et, progressivement, enfermement dans l’infantilisation et la culpabilisation. 

  • Auteur : Marie-Laure Janssens
  • Editeur : Bayard Editions
  • Date de publication : 16/04/2018