Une prêtresse vaudoue renvoyée en correctionnelle

Mélite J., 65 ans, prêtresse vaudoue, a été renvoyée devant le Tribunal correctionnel de Pontoise avec ses deux filles et son mari. Installée dans un pavillon de Marly-la-Ville, cette voyante et guérisseuse, surnommée « Maman » par ses fidèles, aurait tenu sous sa coupe, pendant des années, des dizaines de fidèles auxquels elle aurait soutiré d’importantes sommes d’argent. Elle est poursuivie pour abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse de personnes en état de sujétion psychologique ou physique.

L’enquête de la brigade de gendarmerie de Montmorency (95) a démarré en 2006. Les premières plaintes ont été recueillies en 2007. Les témoins évoquent des humiliations, de la violence et une emprise sur des hommes et des femmes ayant rejoint le groupe pour surmonter des difficultés. Ils ont décrit des scènes d’hystérie collective, des cérémonies hallucinantes durant lesquelles des dizaines de poulets ont été sacrifiés à coup de sabre. Les adeptes étaient aspergés de sang. En transe, la prêtresse changeait de voix et brandissait un crâne humain pendant que ses filles jouaient du tambour.
L’organisation était clairement définie : les fidèles réunis constituaient la « société » dirigée par « maman », secondée par son mari chargé de la sécurité. Parmi eux étaient désignés les « initiés debout » et les « initiés couchés ».

L’argent était également au coeur de cette organisation. Tout était tarifé : 100€ la consultation, 3.000€ pour un « travail », plus de 10.000€ pour une initiation, sans compter les offrandes pour les « saints ».
Mélite J. a admis que les personnes venaient vers elle en situation de fragilité et que son objectif était justement de les aider. Elle réfute les séances d’humiliation pouvant conduire à une emprise mentale. Plusieurs membres ont confirmé ses dires et ont insisté sur leur liberté de participer ou non aux cérémonies. Ceux-ci estiment également « le prix des prestations raisonnable ».

Me Frédéric Aguillon, avocat de plusieurs parties civiles, explique que les victimes « étaient complètement laminées, infantilisées, mises sous la pression du groupe ». Beaucoup « ont contracté des prêts ou vendu leur maison ».

(Source : CBS News, 21.05.2015)

Témoignage 

18 ans sous la coupe de la prêtresse

Sylvie a passé sa jeunesse sous la coupe de la prêtresse vaudoue. Son père a rencontré Mélite J. alors qu’il venait de perdre un enfant dans un accident.
En 1991, Sylvie est âgée de 20 ans et rencontre le groupe pour la première fois. Elle s’investit progressivement pour monter dans la hiérarchie et devenir « initiée couchée ». L’initiation durera trois jours et lui coûtera 10.000 euros mais lui permettra d’acquérir une place privilégiée, au plus près de Mélite, durant les cérémonies.
C’est à ce moment qu’elle perçoit l’emprise de la prêtresse. Elle voulait s’installer en Espagne après un stage mais la prêtresse refuse « disant que c’était elle qui décidait du départ des gens. » Sylvie rapporte que Mélite menaçait tous ceux qui voulaient quitter leur famille : « votre famille n’aura plus le droit de vous parler ».
Lorsque Sylvie a annoncé qu’elle souhaitait quitter son mari rencontré au sein de la communauté, Mélite l’aurait de nouveau menacée : « elle m’a dit devant tout le monde que j’allais mourir. Je me suis ravisée. J’ai aussi eu des soucis médicaux et elle m’interdisait de me soigner, de faire des examens. Je souffrais et j’y suis allée sans son autorisation. Trop tard. Un cancer aux ovaires. Je pense que je n’aurai pas d’enfants. » « Je me rends compte que c’était infernal, un engrenage dont on ne sort pas. Elle se servait des gens pour l’argent utilisant leur foi et faisant croire en ses pouvoirs surnaturels. Aujourd’hui, je me sens libre. Je peux enfin vivre. Mais j’ai eu du mal à couper les ponts. Au début, c’est comme si on vous arrache à un groupe, on perd des amis, on perd tout. »

(Source : Le Parisien, 03.05.2015)