Témoignage

Carmen Llywelyn a été scientologue durant huit ans. La réalité sur la Scientologie est habilement cachée, déguisée. Quand elle se tourne vers ce passé, elle culpabilise de n’avoir pas compris plus tôt qu’elle était manipulée. Aujourd’hui, elle veut rejoindre tous ceux qui, en dépit de la peur des représailles, racontent leur expérience.

Lorsqu’elle pénétra pour la première fois dans le Celebrity Centre de Los Angeles, elle ne savait pas qu’elle était à un tournant de sa vie. Son rêve était d’être actrice. Puis vint la rencontre avec la personne qui allait lui présenter l’organisation qui devait remplir sa vie. On lui a présenté des célébrités, elle épousa l’une d’elle. Avec le recul, elle se rend compte que si elle n’était pas entrée réellement dans la Scientologie, il ne l’aurait jamais épousée. Elle s’est donc entièrement impliquée dans l’organisation, perdant dans le même temps son identité propre.

Elle ne se souvient plus vraiment combien d’argent elle a dépensé en audits, livres, cours et adhésions, mais il lui semble que la somme s’approche des 50.000 dollars.
Le Celebrity Center lui a permis de partir en tournée. Elle était ravie mais se demandait comment elle s’en sortirait avec les cours et les auditions qui lui prenaient déjà beaucoup de temps. Son guide lui fit une remise à l’ordre rapide : c’était les deux ou pas de tournée. Elle comprit plus tard que, dans la Scientologie, la communication est unilatérale et codifiée grâce à une « échelle de tonalité émotionnelle ». Les scientologues s’en servaient notamment pour affirmer ou dire avec autorité pour ne pas laisser l’interlocuteur répondre. Elle a pu en tester l’efficacité quand elle est devenue une « personne suppressive ».

Le luxe des bâtiments aurait pu lui indiquer que la Scientologie était plus attachée au côté matériel de la vie qu’à la spiritualité. Elle a pu visiter le bureau de L. Ron Hubbard, toujours intact pour quand il reviendra dans une autre vie.
Des tas de choses la choquaient et même si elle ne pouvait pas les exprimer à voix haute, elle conservait au fond d’elle une sorte de révolte. Plus d’une fois, elle a eu honte de ne pas manifester sa désapprobation. D’autant qu’elle ne pouvait se confier à personne – il a fallu qu’elle quitte la Scientologie pour pouvoir le faire. Elle se rendait compte que ses amis scientologues étaient de faux amis. Quand elle est sortie, ceux-là même l’ont fait passer pour morte.
Lorsqu’elle était entièrement acquise à la Scientologie, elle a pensé que les personnes suppressives avaient dû faire des choses terribles, comme un acte criminel, pour être affublées de cette terrible étiquette. Elle l’est devenue pour avoir lu Piece of Blue Sky, le livre de Jon Atack, un ancien scientologue. À sa lecture, elle a eu une réaction viscérale qui lui indiquait qu’elle lisait la vérité.

Quand cela s’est su, toute sa vie lui a échappé. Toutes les personnes qui comptaient sur elle au sein de la Scientologie se sont « déconnectées » d’elle. Elle a reçu une lettre de « déconnexion » de son impresario, puis une de son « mari ». Il s’agissait de lettres très courtes, un paragraphe, et qui se terminaient par « Ne me parle plus jamais. Tu es maintenant une très méchante personne suppressive ». Là encore, ces messages n’offraient pas la possibilité de répondre.
Le Bureau des affaires spéciales (OSA)1 s’est servi de son ex-mari pour la salir. Les scientologues n’ont plus de frontière et peuvent contourner la loi quand il s’agit de détruire une personne. Ils sont experts dans la surveillance électronique.

Elle a l’impression que personne ne peut imaginer comment une croyance peut rendre aussi fragile et prendre le contrôle de l’esprit. Les gens pensent que cela ne peut arriver qu’aux autres, aux personnes stupides.
Aujourd’hui elle doit réapprendre à penser par elle-même, à parler en son nom.

(Source : Gawker, 23.06.2014)

(1) L’OSA est l’agence de renseignement scientologue qui met en oeuvre des stratégies visant ceux que la Scientologie considère comme ennemis potentiels.