Il y a quelques semaines, le premier mariage « pastafarien » légal a été célébré en Nouvelle Zélande. Ce culte créé en 2005 par l’américain Bobby Henderson fait des émules à travers le monde et démontre que chaque époque génère ses désirs de conversion et ses besoins de rassemblement.

Bobby Henderson a créé le pastafarisme pour protester contre une décision d’un tribunal du Kansas actant que le créationnisme pouvait être enseigné dans les écoles au même titre que la théorie de l’évolution. L’argument d’Henderson était de considérer que cette croyance, aussi farfelue soit-elle, méritait également d’être enseignée [au nom de la liberté de religion].
Les pastafariens revendiquent leur foi en l’existence du « Monstre en forme de spaghetti géant et volant » qui aurait engendré l’univers après avoir bu trop de bière. Les premiers prophètes étaient des pirates. C’est pourquoi les adeptes sont invités à se couvrir la tête d’une passoire et l’oeil d’un bandeau de pirate.

Mais le « gag » de Bobby Henderson est devenu universel. Le phénomène s’explique d’une part par le développement du Web permettant aux adeptes du monde entier de se déclarer pastafariens et d’autre part par la proposition d’un étendard de rassemblement aux agnostiques et aux athées.
Le philosophe Bertrand Russel avait suggéré avec sa célèbre expérience dite de la théière1 que la religion ne tient qu’à une chose : l’impossibilité de prouver l’inexistence de quelque chose. Il a démontré avec cette étude les limites du discours axé sur la foi.
L’argument de Russel, comme celui du Spaghetti, est une invitation aux croyants à interroger le réalisme du contenu de leur foi en tenant compte du facteur temps. Si on relatait aujourd’hui, aux actualités, les miracles de Jésus ou de tout autre prophète personne n’y croirait une minute. Les révélations qui fondent la religion sont si anciennes que le temps écoulé dilue le sentiment d’invraisemblance.

Pour rappel, la confrérie des Rose-Croix est, à la base, une blague de théologiens allemands qui ont inventé de toutes pièces l’existence d’un certain Christian Rosenkreutz. Pourtant, les Rose-Croix constituent encore aujourd’hui un ordre spirituel hermétiste doté d’une doctrine bien réelle.
L’esprit humain, capable d’évoluer et de s’adapter, permet à presque n’importe quelle foi de survivre grâce à l’impossibilité de prouver l’inexistence de son objet.

(Source : La Libre Belgique, François de Smet, 08.05.2016)

1- Lire sur le site Cortecs, La théière de Russel :
http://cortecs.org/materiel/la-theiere-de-russell/