Douloureux retour à la réalité

La sortie de secte, qu’elle soit volontaire ou due à une exclusion, est toujours douloureuse et conduit certains ex-adeptes au suicide. Prenant le cas particulier de la FLDS, le Salt Lake Tribune note 31 suicides entre 1999 et 2017 pour la communauté de Short Creek. Rapporté au nombre d’habitants, c’est un taux deux fois supérieur à la moyenne nationale américaine.

Les causes de ces suicides sont di­verses, mais d’anciens adeptes rendent Warren Jeffs (aujourd’hui incarcéré)1 responsable de la plupart d’entre eux. Sa politique d’exclusion des membres qu’il considérait comme indésirables, ou leur déplacement dans d’autres communauté, condui­sait ces adeptes à un isolement qu’ils n’avaient jamais connu au sein de la communauté polygame. Considérés comme des apostats, mis au ban du groupe, ignorés par leurs proches qui avaient interdiction de leur parler, ils étaient livrés à eux-mêmes dans un monde dont ils ignoraient tout. Doyle Dockstader, chassé à l’âge de douze ans, a tenté de se suicider alors qu’il était en prison. Après son exclusion, il avait tout perdu, même sa chance d’aller au paradis, pensait-il.

Shannon Price, assistante sociale et présidente de la Diversty Foundation qui aide les anciens membres du groupe, constate un taux de suicide plus élevé chez les hommes. Selon elle, le suicide résulterait d’une culture rigide où le genre détermine la place occupée dans la communauté. Constamment soumis aux décisions des dirigeants, les hommes n’apprennent pas à développer leur capacité d’adaptation. Leurs seuls objectifs sont construire la communauté religieuse et pourvoir aux besoins de la famille. En cas de départ volontaire ou d’exclusion du groupe, ils ont l’impression d’avoir perdu leurs repères, « leur raison de vivre ». Les femmes sont moins touchées par ce phénomène. Même lorsqu’elles quittent l’Église, avec leurs enfants à charge leur vie ne change pas aussi radicalement que celle des hommes.

Les abus sexuels perpétrés par Warren Jeff ont également été la cause de plusieurs suicides, dont celui de l’un de ses neveux Clayne Jeffs (2002) et de l’un de ses fils Roy Jeffs (2019).

De nombreux adeptes en manque de repère après leur exclusion ou leur départ du groupe ont sombré dans la délinquance et la drogue, nombreux aussi deviennent dépressifs et pensent au suicide. Certains affirment qu’ils ne s’en seraient pas sortis sans l’aide de travailleurs sociaux comme Rowly Price qui a mis en place un programme de prévention du suicide, ou Doyle Dockstater, un ancien adepte qui apporte son aide via internet.

(Source : The Salt Lake Tribune, 27.10.2019)

  1. Il continue de donner ses ordres depuis la prison.