Canada / Les psy devenus prédateurs

« La Presse » consacre un reportage à « l’inconduite sexuelle » des psychothérapeutes au Canada. Rappelons que ce même journal avait mené une série d’enquêtes sur les gourous en septembre et octobre 2012.


Entre 2005 et 2010, seules 40 % des dénonciations effectuées par de présumées victimes d’abus sexuel de la part de psys ont permis que leurs auteurs se retrouvent devant le conseil de discipline. C’est ce que révèle une étude inédite de l’association Plaidoyer Victime, réalisée auprès de 15 ordres professionnels du milieu de la santé, par Manon Bergeron, professeure de sexologie à l’Université du Québec à Montréal.

Selon une étude américaine, les victimes des psys coupables d’abus sexuels se retrouvent « démolies ». 83 % ne s’en remettent jamais totalement, 11 % doivent être hospitalisées, 1 % se suicide et 14 % tentent de le faire. Au Québec, les décisions des conseils de discipline de plusieurs ordres professionnels témoignent de ces ravages.

« La Presse » est allée à la rencontre de victimes de psys prédateurs. L’une d’entre elles, Sophie, une jeune Montréalaise, victime d’un hypnologue qui « assouvissait » sur elle ses fantasmes sexuels, se retrouve aujourd’hui hospitalisée en psychiatrie.
En 2009, le conseil de discipline de l’Ordre des psychologues avait pourtant radié l’hypnologue de façon permanente. Le conseil de discipline concluait alors que le psy présentait « un risque imminent de récidive ». Le conseil de discipline « ne croyait pas si bien dire » car la journaliste de « La Presse », au cours de son enquête sur les gourous de 2012, n’avait pas manqué de « débusquer » sur le web le psy en question : il y faisait de la publicité pour un « centre de thérapie » destiné aux personnes souffrant d’anxiété, de dépression, de panique ou d’épuisement professionnel.

Avant d’être radié de l’Ordre des psychologues, l’hypnologue avait fait au moins cinq victimes entre 2003 et 2008. Comme Sophie, elles étaient jeunes, dans la vingtaine ou la trentaine. Lorsque la première victime avait dénoncé l’hypnologue en 2004, le conseil de discipline croyait qu’il représentait « un risque de récidive peu probable » et lui avait imposé 1.600 dollars d’amende, ainsi qu’un stage de supervision d’un an. Les quatre autres plaintes avaient conduit, cinq ans plus tard, à sa radiation permanente.

D’après l’enquête de la journaliste, les psychologues ayant eu des relations sexuelles avec leurs clientes s’en tirent souvent « bien mieux que ces dernières » qui restent « perturbées à jamais ». Il s’agit de l’un des constats de la présente enquête au sujet de 32 psychologues radiés depuis 2000 pour les mêmes motifs. D’après les décisions rendues par le Conseil de discipline, 6 de ces 32 fautifs se sont « lancés dans des relations stables avec leurs clients », 14 d’entre eux désiraient des faveurs sexuelles et les 12 derniers collectionnaient les victimes ou bien ont agi « de façon particulièrement insensible ». Les deux chargés de cours font partie des ces 12 derniers.

Dans la région de la Cote-Nord, un psychologue scolaire, Richard Bois, s’en est lui aussi tiré à « relativement bon compte ». Il avait eu des relations sexuelles avec une adolescente de 14 ans et fait subir des attouchements sexuels à une autre. Considéré comme un prédateur sexuel « non violent » par le Conseil de discipline en 2008, il avait été radié à vie. Mais plus de quatre ans plus tard, il n’a toujours pas été accusé au plan criminel.

En fait, aucun des psychologues radiés pour inconduite sexuelle n’a été traîné en cour criminelle. Une exception, toutefois, en ce qui concerne un psychiatre, Pierre Lapointe, condamné en 2001 à neuf mois de prison avec sursis.

D’après une étude de l’américain Kenneth S. Pope, 12 % des victimes « d’inconduite sexuelle » dénoncent leur thérapeute. Car, convaincues à tort que le fait d’avoir accepté une liaison « efface la faute de leur thérapeute », les victimes dénoncent peu.

Source : LaPresse.ca, Marie-Claude Malboeuf, 05.03.2013& 06.03.2013