Une multinationale sectaire

Malgré les nombreuses critiques portées à son encontre, le mouvement Dahn Yoga, également connu sous le nom de Body & Brain (Corps et esprit) depuis 2005, a annoncé la création en Nouvelle Zélande d’un « village de la Terre » dans le Northland.

Les enquêtes menées par les magazines Forbes et Rolling Stone au sein du groupe ont révélé des dérives à caractère sectaire, dérives qui, semble-t-il, n’ont, jamais eu d’écho.

Forbes a notamment révélé le cas d’Amy Shipley. En 2006, alors qu’elle souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique, elle est entrée dans l’un des 139 centres de Dahn Yoga. Quinze mois et des dizaines de séances plus tard, elle était endoctrinée dans une secte. Lorsqu’elle a déposé plainte, elle a expliqué que le groupe soumettait les adeptes à une manipulation psychologique et les incitait à dépenser des milliers de dollars dans les cours de yoga. Parmi les techniques coercitives du groupe, elle a vécu la rupture forcée avec ses amis et sa famille, des exercices durant lesquels elle devait réciter 3000 fois la même incantation durant la nuit, lécher les pieds d’autres membres et tenir des poses durant 20 à 30 minutes. Amy Shipley dit avoir dépensé près de 45 000 dollars, l’argent étant un moyen de montrer son engagement à Dahn Yoga, lui disait-on.

En 2005, les frères et soeurs de Julia Margaret Siverls ont entamé une action en justice pour dénoncer la mort de leur soeur, « droguée et tuée » selon eux par la secte. Elle serait morte d’épuisement à l’âge de 41 ans au cours d’une randonnée sous un soleil de plomb ,sans nourriture et sans eau, portant un sac à dos rempli de cailloux.
D’autres affaires ont éclaboussé l’entreprise Dahn comme celle d’un membre de groupe ayant étranglé sa femme au cours d’un épisode psychotique. D’autres se plaignent des sommes d’argent exorbitantes exigées par le groupe, des pressions pour suivre des séances intensives de formation pour devenir enseignant à leur tour et recruter de nouveaux membres. Les séances coûtent chacune jusqu’à 10.000 dollars. Ils sont poussés à souscrire des prêts afin de les financer. D’anciens membres ont également révélé avoir été forcés à travailler jusqu’à 120 heures par semaine.

Des spécialistes des mouvements sectaires comme Steven Hassan, Rick A. Ross ou Cathleen Mann alertent sur ce groupe qui utilise des techniques de recrutement et d’emprise mentale et crée, chez ses adeptes, un trouble dissociatif les écartant de leur environnement et de leurs valeurs.

(Source : Forbes, News Talk, 28.01.2017)

À savoir

Le charismatique Ilchi Lee (né Seung Heun Lee) prétend avoir découvert le Dahn lors d’un jeûne de 21 jours en 1980. Le Dahn, qui signifie « énergie » en coréen, est dérivé d’une technique ancienne coréenne visant à améliorer la santé du corps et de l’esprit grâce à une combinaison de yoga, de tai chi et d’arts martiaux.

Lee aurait commencé à enseigner sa méthode dans un jardin public avant d’ouvrir le premier centre Dahn mondial au coeur de Séoul en 1985.

L’organisation formée par Ilchi Lee est une véritable entreprise avec 1221 centres dans neuf pays, 50053 employés et 1,9 millions d’adeptes. Un hebdomadaire sud-coréen rapportait que la société avait réalisé un chiffre d’affaire de 133 millions de dollars en 2003. 22 centres détiendraient la franchise « Body and Brain » aux Etats-Unis où est enseignée une technique dite de « vibrations des ondes cérébrales », sorte de yoga pour le cerveau. Ces derniers sont idéalement placés sur des campus universitaires : Institute of Technology au Massachusetts, l’Université de l’Oregon, Harvard ou Columbia.
De grandes sociétés coréennes comme LG Electronics, SK Group et Daewoo Group l’ont invité pour enseigner le Dahn à leurs employés.

Le premier centre américain a été ouvert à Philadelphie en 1991. De retour en Corée, Lee a dû faire face à des accusations d’ordre criminel. En 1993, il a été reconnu coupable de vente de médicaments sans autorisation et de violation des lois sur l’immobilier, l’hygiène alimentaire et l’éducation. Condamné à deux ans et demi de prison et à une amende de 82.000 dollars, Lee a passé 70 jours en prison.
Eclaboussé par de nombreuses affaires, Lee décide d’ajouter le mot « yoga » à celui de Dahn en 2001.

Dahn Yoga affirme que le fondateur Ilchi Lee n’est plus directement impliqué dans l’entreprise, mais qu’il continuerait à en avoir le contrôle au sein d’un cabinet de conseil, BR Consulting, qui détient la propriété intellectuelle de Dahn Yoga. Des membres ont affirmé que les bénéfices de Dahn Yoga sont transférés à Lee et utilisés pour financer son fastueux train de vie : ranch en Arizona, chevaux, yacht et jet privé. Forbes annonçait que le dernier projet de Dahn Yoga était de créer une école « d’éducation du cerveau ».