Scandale dans la mega-église coréenne

Avec plus d’un million de fidèles, la plus grande des églises évangéliques du monde est coréenne. Elle s’appelle Yoïdo Full Gospel Church (YFGC) et est dirigée par un pasteur charismatique, David Yonggi Cho. La clé de son succès, une organisation pyramidale de la communauté en « cellules ». Mais les scandales commencent à entacher l’image de l’entreprise : le leader aurait détourné 12 millions de dollars.

YFGC est devenu un véritable empire qui s’est diversifié au gré des besoins de la communauté : télévision, radio, journaux, maisons de retraite, centre de formation, hôpital et centre de recherche théologique.
Les imposants bâtiments de YFGC peuvent accueillir des milliers de personnes. Les célébrations dominicales grandioses sont traduites en dix langues.
Les services de collectes ultramodernes, le Donation center, accueillent les fidèles dès leur entrée dans l’église. Chacun peut demander, contre son don, un justificatif pour obtenir des réductions fiscales. Ce don équivaut à 10% du salaire. Wooyoung Kim, chargé des relations de presse de l’église, admet collecter chaque année 1,2 million de dollars.
Avec un cadeau de bienvenue (un « Tupperware »), les membres de la base orientent les nouveaux adeptes. Puis viennent les diacres et les doyens, éminences grises de la YFGC qui participent aux grandes orientations de l’église.
David Yonggi Cho a débuté son entreprise sur les décombres de la guerre de Corée (1950-1953). Il est alors bouddhiste, studieux et promis à de brillantes études.
Il étudie le commerce et devient interprète dans une base militaire américaine. À 17 ans, il guérit d’une tuberculose et voit un lien entre sa guérison et sa rencontre avec un pasteur américain. Après des études de théologie, il devient pasteur à son tour et célèbre ses premiers offices dans un appartement. Le nombre d’adeptes s’accroît rapidement car Yonggi Cho fait
courir le bruit qu’il accomplit des miracles. Le contexte social des années 1950 joue en sa faveur : veuves et orphelins recherchent de l’aide dans les églises.
La cellule de base réunit plusieurs familles du même quartier. Le petit groupe se réunit chaque semaine pour prier. Quand une cellule atteint 15 familles, la cellule se divise en deux et chaque nouvelle cellule poursuit ainsi sa croissance en accueillant de nouveaux membres. Dix cellules forment un tae-kyogu placé sous l’autorité de l’un des 400 pasteurs formés par la YFGC.
Yonggi Cho ambitionnait dès 1964 d’étendre son église à l’étranger. Selon le pasteur Joshua, responsable des missions à l’étranger, l’expansion internationale tiendrait de la volonté des fidèles locaux souhaitant voir la YFGC s’implanter chez eux. Mais une ONG, Good People, y participe également(1). L’église compterait 120 000 adeptes hors des frontières coréennes.
Aujourd’hui, le leader charismatique tombe en disgrâce.
Le comité des doyens dénonce des détournements de fonds opéré par le pasteur. Cet argent,
émanant des dons des fidèles, aurait été utilisé pour racheter des actions de l’entreprise de son fils, fils prodigue faisant parler de lui dans la presse à scandale.
Yonggi Cho écopera de trois années de prison avec sursis et à cinq millions de dollars d’amende. La clémence des juges s’explique par « l’aide apportée par le pasteur à l’état coréen ». Le fils, lui, a bénéficié de moins d’indulgence et a été incarcéré.
L’image de YFGC a été égratignée par cette affaire mais, pour autant, n’a pas ému les membres de l’église. Yonggi Cho assiste au culte tous les dimanches sous le regard clément de ses fidèles.

(Source : Le Monde des Religions, juillet-août 2015)

(1) Cette stratégie est utilisée par une autre grande secte évangélique sud-coréenne, Heavenly Culture, World Peace,Restoration of Light, plus connue sous son acronyme HPWL.
Lire sur le site de l’UNADFI : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/une-secte-sud-coréenne-sur-les-terres-moyenorientales