Dans son numéro du 26 mai 2017, le journal Marianne a exploré les dessous du mormonisme et dévoilé certains aspects qui n’ont été que très peu abordés par la presse française lors de l’ouverture du temple du Chesnay.

Depuis sa création en 1830 aux Etats-Unis et des débuts difficiles, l’Eglise de Jésus Christ des Saints des Derniers jours a bien prospéré. Etablie dans plus de 130 pays, elle compte aujourd’hui près de 16 millions de membres dans le monde.
Le choix de l’implantation du temple dans l’Ouest parisien démontre la bonne santé financière du groupe. Selon Denis Lacorne¹ « les temples sont le signe visible de la prospérité de cette religion, cela impressionne ». Bâti avec des matériaux luxueux, celui du Chesnay a été conçu pour résister à l’apocalypse. Il doit abriter les rites les plus importants de la foi mormone (mariage et baptême), mais n’est pas accessible à tout le monde. Il est réservé aux fidèles les plus fervents qui ne peuvent y accéder qu’après avoir produit un certificat d’assiduité, une carte de recommandation donnée par l’évêque prouvant qu’ils s’acquittent bien de la dîme², qu’ils jeûnent une fois par mois et se rendent bien au culte.

La dîme ne représente qu’une part infime des sources de financement de l’église. En effet, le groupe prospère dans les affaires et possède plusieurs holdings. Selon un article de 2012 dans Businessweek l’une d’elle, Deseret Management Corp, affichait un chiffre d’affaire de 1,2 milliard de dollars et contrôlait onze radios, une chaîne de télévision, une compagnie d’assurance. AgReserves, holding agroalimentaire, possédait quant à elle 400 000 ha de terres agricoles et la plus importante exploitation de bovins à viande du monde.

Selon Denis Lacorne, « pour les mormons, il n’y a pas de séparation du spirituel et du temporel. Le succès économique démontre que Dieu est bien avec eux ».
Mais seuls des hommes sont aux commandes ; les femmes ont un statut subalterne et ne peuvent avoir aucune fonction ecclésiastique, leur rôle étant de rester à la maison et de faire des enfants.

Les mormons sont très conservateurs et leur quotidien est régi par beaucoup de règles et d’interdictions. Il est interdit de boire des boissons excitantes (excepté le Coca). Les relations sexuelles hors mariage sont proscrites, le divorce est très peu fréquent, les familles homosexuelles sont mal tolérées. Les mormons les plus fervents portent des sous-vêtements sacrés « comme rempart à la tentation ».

Mais contrairement à d’autres cultes, le dogme mormon peut évoluer et s’adapter aux changements de la société. En effet, aujourd’hui encore, le président considéré comme un prophète, continue de recevoir directement des révélations de Dieu. En 1978, ils ont opportunément évité de perdre leur droit à l’exemption fiscale en abolissant la règle discriminatoire qui empêchait les hommes Noirs d’accéder à la prêtrise, leur couleur de peau étant considérée comme le signe d’une malédiction divine.

Qu’en sera-t-il du statut des couples homosexuels ? Ces derniers souffrent énormément des dernières révélations du prophète président. En 2016, ils ont été déclarés apostats et leurs enfants n’ont plus le droit de devenir membres avant l’âge de 18 ans et à la condition qu’ils quittent leurs parents.

Derrière une image qui se veut parfaite, se cachent parfois de vraies souffrance et Marie Drilhon, présidente de l’ADFI Yvelines, qui a reçu plusieurs ex-adeptes du mormonisme au sein de son association, peut en témoigner. « L’Église mormone porte atteinte à la liberté de penser et instaure un contrôle de la vie privée de ses membres. » « Les enfants en sont les premières victimes. » « Quand ils ne sont pas à l’école, ils passent la majeure partie de leur vie en réunions spirituelles, soit pour apprendre les préceptes mormons, soit pour d’autres activités de loisir avec les membres… L’essentiel de leur temps est consacré à l’Église. »

(Source : Marianne, 26.05.2017)

1- Directeur de recherche au Centre de recherches internationales de Sciences-Po et spécialiste des religions américaines.
2- Elle représente 10% du salaire des adeptes.