Le procès d’une pseudo-thérapeute

Le 20 février dernier a eu lieu devant la 1ere chambre correctionnelle de Paris, le procès d’une kinésithérapeute, Marie Catherine Phanekam, jugée pour abus de faiblesse. Elle s’improvisait thérapeute et « coach » auprès de personnes cherchant de l’aide dans un moment difficile de leur vie. Ce procès a mis en exergue l’utilisation d’une méthode d’emprise : les faux souvenirs induits1.

La technique des faux souvenirs consiste à faire croire à une personne fragilisée que sa souffrance provient d’un traumatisme dont elle ne se souvient pas, souvent dû à un proche. La kinésithérapeute a ainsi réussi à éloigner ses patientes de leur environnement familial et amical. Les premiers signalements remontent à 2003 mais la justice ne s’est saisie de l’affaire qu’en 2008 suite à des plaintes pour abus de faiblesse.

Le profil des victimes est souvent identique : il s’agit de femmes issues d’un milieu socioculturel favorisé. L’une d’elles raconte comment, dès de son premier rendez-vous, Marie Catherine Phanekam avait suggéré qu’elle avait été abusée par son père et entretenu une relation incestueuse avec son frère. La kinésithérapeute poussera ensuite la victime à rompre violemment avec ses proches.
Marie-Catherine Phanekam trouvait des moyens pour soutirer de l’argent à ses « clientes ». En plus des séances à son cabinet, elle les invitait dans sa maison de campagne appelée « maison de la vérité » pour des week-ends d’« analyse sauvage » et de magie noire. Les victimes ont dépensé des sommes importantes pour assister à ces week-ends facturés 100 euros (à payer en liquide). Une victime raconte avoir donné 55 000€ au prétexte que l’argent hérité de son père était malsain. Une autre a vendu son appartement parisien à la thérapeute qui le revendra sept fois plus cher.

D’autres victimes seraient encore sous emprise. L’une d’elle qui s’est portée civile s’est désistée mais ses parents sont venus au procès pour témoigner du changement de leur fille. Elle avait accusé sa mère d’avoir été membre actif d’un réseau de pédophilie. En 2005, elle a réussi à utiliser sa position de directrice administrative d’Artegy (filiale de la BNP) pour faire embaucher la « kiné-coach » dans l’entreprise. Marie-Catherine Phanekam aurait perçu environ 2,5 millions d’euros pour ses prestations2, douze autres adeptes de la thérapeute auraient aussi été recrutées, ce qui constitue une véritable tentative d’infiltration.

La question de l’emprise était centrale lors de ce procès. Pour Jean Pierre Jougla, juriste et membre de l’Unadfi, croire qu’il faut une « fragilité préexistante » pour tomber dans un tel piège ou, au contraire, qu’un « bagage intellectuel » suffit à se prémunir d’une telle manipulation est une erreur.

Apres trois jours d’audience, la procureure a estimé qu’il n’ y avait pas de doute sur le fait que les victimes étaient dans un état de sujétion psychologique et que Marie Catherine Phanekam avait utilisé des techniques pour altérer leur jugement. Elle a requis à son encontre un an de prison avec sursis et 20 000 euros d’amendes ainsi qu’une mise à l’épreuve, une interdiction d’exercer pendant cinq ans et une obligation d’indemniser les victimes. Le tribunal rendra sa décision le 23 mai 2017.

(Sources : La Croix, 23.02.2017 & Le Parisien & Le Mode 22.02.2017 & Libération 19.02.2017)

1- Lire plus d’articles sur les faux souvenirs induits sur le site de l’Unadfi : http://www.Unadfi.org/mots-clefs/faux-souvenirs-induits

2- Selon le journal Libération, au moins un million d’euros ne correspondait à aucun service ! La BNP n’a pas souhaité se constituer partie civile voulant certainement éviter une mauvaise publicité.