Le contrôle sans partage d’un empire financier

A la mort de son époux Sun Myung Moon, Han Hak Ja n’était pas censée prendre sa succession à la tête de l’Eglise de l’Unification pour le christianisme Mondial. Destinée à être « la ‘’Vraie Mère’’, celle qui améliorerait l’Homme en portant des enfants d’une lignée pure, sans péché et en inaugurant une nouvelle ère, c’est elle qui aujourd’hui occupe le poste de leader du célèbre mouvement sud-coréen.

Sun Myung Moon l’épousa en secondes noces alors qu’elle n’était âgée que de 17 ans. Il exigeait d’elle une obéissance absolue allant jusqu’à la cloîtrer durant trois années pour lui faire payer le péché originel d’Eve, la séparant ainsi de sa famille. De cette union naquirent 14 enfants1 qui devaient être élevés sans péché afin que l’un d’eux puisse succéder à leur père. Mais devant les nombreux scandales ayant entaché la réputation de sa progéniture (alcoolisme, toxicomanie, divorce, scandale financier…), Han Hak Ja a décidé de prendre les choses en main. Quand son mari est mort, à l’âge de 92 ans en 2012, l’un de ses enfants, Hyung-jin, aurait pu prétendre à la succession, mais sa mère l’a exilé en Pennsylvanie où se trouve la première église américaine.

Aujourd’hui, elle a quitté les États-Unis, rejoint son pays d’origine et vit retirée à l’écart de Séoul. Elle accuse la culture américaine d’avoir perverti ses enfants.

Au titre de première dame de l’Église elle a rencontré des dirigeants politiques tels que Mikaël Gorbatchev ou parlé à la tribune de l’ONU. Elle poursuit désormais la mission de son mari, « reconstruire l’humanité ». Pour se faire, elle diffuse ses « oeuvres » et donne les orientations éducatives et religieuses du groupe. Elle continue également de gérer l’important portefeuille de sociétés appartenant à l’Église.

Sun Myung Moon avait en effet réussi à bâtir un véritable empire financier. Ayant fui la Corée du Nord, il a fondé la première église sud-coréenne à Busan, en 1954. Mélange de christianisme, de confucianisme et d’anticommunisme, il attira des jeunes intéressés par une existence communautaire, « s’abstenant de drogue, de alcool et de sexe avant le mariage ».

Les Japonais constituaient une majorité dans le groupe. Particulièrement généreux et dévoués, certains d’entre eux s’endettaient en souscrivant des prêts personnels pour le groupe. Gros pourvoyeurs d’argent, leur « dévouement était justifié par l’expiation des péchés commis par le Japon pendant la seconde guerre mondiale ». Outre les dons des adeptes, Moon s’est enrichi en faisant des investissements d’abord dans l’immobilier en Corée du Sud, puis aux États-Unis où il acheta, entre-autres, le New Yorker Hotel.

Il détenait également une entreprise de construction navale, une de fruits de mer, le Washington Times (journal conservateur) et Pyeonghwa Motors, seul constructeur automobile de Corée du Nord depuis sa création en 1999. Mais l’Église de l’Unification est surtout à la tête d’une importante holding située en Corée du Sud, Tongil, qui gère plusieurs affaires, allant du commerce de ginseng au commerce d’armes. La richesse de l’Église est considérable, ainsi les 13 filiales sud-coréennes de l’Église représenteraient 1,6 milliard de dollars d’actifs tandis qu’aux États-Unis, sa douzaine de filiales commerciales aurait une valeur d’environ 1,5 milliard de dollars.

Bien que l’Église prétende avoir 3 millions de membres dans le monde, des chercheurs comme David Bromley, professeur de sociologie à la Virginia Commonwealth University, estiment que le mouvement de l’Unification a eu plus de succès financièrement que par son nombre d’adhérents.

Moon affirmait dans son autobiographie parue en 2009 que « l’argent accumulé par les entreprises est de l’argent sacré ».

(Source : Ozy, 16.11.2017)

1. Ils en ont perdu quatre.

Lire sur le site de l’Unadfi : Que sait-on de ? Moon : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/descriptif-8