Fuir ou mourir ?

Anna LeBaron est la fille d’Ervil LeBaron, fondateur d’un groupe dissident mormon polygame, qui s’est rendu tristement célèbre pour avoir ordonné à ses adeptes de perpétrer près de 25 meurtres. Dans son récit autobiographique, The Polygamist’s Daughter, elle évoque les conditions de vie dans le groupe et les circonstances dans lesquelles les meurtres ont été commis.

Anna a quitté le groupe à l’âge de treize ans. Jusque-là, elle vivait dans la crainte de son père considéré comme un envoyé de Dieu sur Terre. Il régnait en maitre absolu et toute désobéissance était punie, parfois même de mort. Elle ne savait pas que son père était recherché par le FBI et la police mexicaine.

Anna comptait parmi les cinquante enfants du leader considérés comme des « enfants célestes ». Cette « distinction » ne leur a malheureusement pas épargné les maltraitances. Ils étaient utilisés comme une main d’oeuvre non rémunérée dans des ateliers de réparation d’appareil électroménager. Ils travaillaient douze heures par jour pendant les vacances scolaires et étaient frappés si leur travail n’était pas jugé satisfaisant. Les enfants étaient autorisés à aller à l’école mais devaient taire ce qui se passait chez eux.
Séparée très jeune de sa mère, Anna a vécu plusieurs année dans la clandestinité pour échapper aux contrôles de l’Etat. Les déménagements avaient lieu la nuit. Elle dormait sur des matelas dans des maisons surpeuplées. Elle et d’autres enfants du groupe cherchaient leur nourriture dans des poubelles.

 Les filles étaient sur l’échelon le plus bas dans la hiérarchie du groupe. Elles étaient élevées pour devenir l’une des épouses d’un mari polygame. L’âge du mariage était fixé à quinze ans. Ayant fui à l’âge de treize ans grâce à sa demi-soeur qui l’avait cachée, elle a échappé au mariage.

Le grand-père d’Anna LeBaron, mormon, avait quitté les Etats-Unis pour fonder son propre groupe au Mexique, suite à l’abandon de la polygamie en 1880. A sa mort en 1951, son fils ainé Joël lui succède. Ervil suit d’abord son frère, puis arguant que la place de leader lui revient, essaye de l’évincer. Ayant échoué, il fonde l’Eglise de l’Agneau de Dieu en 1972 et commence alors à éliminer ses rivaux en invoquant l’ancienne doctrine mormone de l’expiation par le sang1. Le premier de la longue série fut son frère Joël. Un adepte auquel il ordonnait un rival il était forcé d’obtempérer.

Il fut arrêté en 1979 et condamné à perpétuité pour avoir orchestré l’assassinat du chef d’un groupe polygame qui avait rejeté ses demandes d’argent et de reconnaissance. En prison, il rédigea le « Livres des Nouveaux Pactes », dans lequel il dressa une liste de personnes à assassiner. En 1981, il fut retrouvé mort dans sa cellule.
Sept ans plus tard, trois anciens adeptes et la fille de l’un d’entre eux furent abattus à différents endroits des Etats-Unis, le même jour, quasiment à la même heure. « Les meurtres des quatre heures », c’est ainsi qu’ils furent appelés, avaient été orchestrés par le successeur d’Ervil LeBaron, Aaron LeBaron. Sept membres du groupe furent condamnés, dont le dernier en 2011.

(Source : BBC News, 17.02.2017)

1- Punition infligée aux personnes dont les péchés étaient tellement graves qu’ils ne pouvaient être lavés que par leur propre sang et non celui du Christ. Cela dans le but leur donner l’accès au Paradis.