Les ravages des faux souvenirs ou la mémoire manipulée

Note de lecture

Brigitte Axelrad, collection Une chandelle dans les ténèbres, book-e-book, 2010

Brigitte Axelrad est professeur honoraire de Philosophie et de Psychosociologie. Elle est membre du Conseil d’administration de l’Observatoire Zététique de Grenoble et du Comité de Rédaction de la revue « Science et pseudo-sciences » de l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS). 

« L’objectif de ce livre est de répondre de façon claire et pédagogique aux patients, aux familles, aux professionnels, aux juristes qui s’interrogent sur les thérapies dites de la mémoire retrouvée (TMR) et sur leurs conséquences destructrices pour tous ceux qui en sont victimes.

Les ravages des faux souvenirs ont commencé à sévir dans les années 80 aux États-Unis. Une association de défense des familles et des patients pris dans la tourmente des TMR s’est créée en 1992, à Philadelphie. Fondée par Pamela Freyd, elle a été rejointe par de nombreux chercheurs, professeurs d’universités, journalistes d’investigation. Les recherches et les publications scientifiques, ainsi que les nombreux procès intentés contre leurs thérapeutes et gagnés par des patients appelés « retractors », parce que revenus sur leurs accusations, ont contribué à faire reculer cette véritable « guerre des souvenirs », désignée ainsi à cause de l’âpre controverse entre ceux qui reconnaissaient le « syndrome des faux souvenirs » et ceux qui le niaient.

Ce livre ne parle pas des cas d’inceste avérés contre lesquels une lutte déterminée est nécessaire.
Véritable « Chandelle dans les ténèbres », ce livre tente d’éclairer les ravages des « faux souvenirs retrouvés en thérapie » vingt à trente ans après que les faits incriminés sont supposés s’être produits, alors même qu’il n’existe aucune corroboration indépendante de leur existence. » (Présentation de l’éditeur)
A travers sept chapitres écrits sous forme de questions réponses, Brigitte Axelrad aborde les interrogations que suscite ce phénomène sociologique :

  •  Le « syndrome des faux souvenirs »
  •  L’influence thérapeutique
  •  Les fondements théoriques et leur application
  •  Faux souvenirs, manipulation mentale et refoulement
  •  Les aléas de la mémoire, vrais et faux souvenirs
  •  Les ravages des faux souvenirs sur le plan sociologique
  • • Faux souvenirs et troubles de la personnalité multiple

En annexe, un entretien de l’auteur avec Elisabeth Loftus, Professeur de Psychologie à l’Université d’Irvine en Californie, personnalité de renommée internationale sur le sujet, dont les travaux de recherche sur la mémoire font autorité.
En 2001, elle avait co-écrit avec Katherine Ketcham « Le Syndrome des Faux Souvenirs et le Mythe des souvenirs refoulés » (Editions Exergue). Elle répond aux questions de Brigitte Axelrad sur le sens de ces recherches.
Un livre clair qui permet de mieux comprendre le phénomène, « une lecture incontournable pour les familles qui sont tombées dans le piège des guerres de la mémoire et pour les professionnels dont le travail influence leurs vies » selon Elisabeth Loftus.

La neuroscience progresse sur les faux souvenirs induits

Dans une nouvelle étude, parue le 16 juillet 2014 dans Psychological Science, des chercheurs ont montré que la mémoire est moins fiable quand le sujet est privé de sommeil et serait plus enclin à produire de faux souvenirs.
Le docteur Pierre-Marie Liedo, directeur du département de neurosciences à l’Institut Pasteur et directeur de recherche au CNRS se réjouit de ces recherches et pense que « Ces résultats apportent une pierre à l’édifice, en démontrant que la mémoire humaine n’est pas fiable. Même pour le sujet qui est trompé par son propre cerveau. Que le souvenir soit réel ou virtuel, les mêmes structures cérébrales sont utilisées, le souvenir emprunte les mêmes voies, et provoque les mêmes réponses émotionnelles. C’est pourquoi il est si difficile de différencier un vrai souvenir d’un faux car, une fois créés, ils se ressemblent en tout point. »
Aux États-Unis, ces résultats relancent le débat sur la véracité des témoignages. Le professeur Elizabeth Loftus, psychologue à l’Université d’Irvine en Californie étudie, depuis quarante ans, les mécanismes de manipulation de la mémoire et des faux souvenirs. Elle a mis en garde sur les risques de faux souvenirs liés à certaines pratiques
utilisées en psychanalyse. Elle se bat pour la prise en compte de l’éventualité de ces faux souvenirs lors des témoignages dans les procédures de police et de justice.

(Source : Le Figaro, 12.08.2014)