L’ Easac lance un avertissement sur l’homéopathie

Dans une déclaration publiée en septembre, l’ European Academies Science Advisory Council (EASAC), formé par les académies nationales des sciences des États membres de l’Union européenne, alerte sur l’utilisation de l’homéopathie et appelle les états membres à adopter un certains nombres de mesures vis à vis des produits homéopathiques.

Revenant sur une affaire ayant eu lieu en août 2016 dans le sud-est de la France, un article du Parisien rappelle que le Conseil national de l’ordre des médecins avait radié le Dr D., médecin homéopathe, pour manquement à ses obligations déontologiques dans la prise en charge du cancer du sein dont souffrait une de ses patientes, Claudie F. Le médecin s’était borné à prescrire diverses préparations phytothérapiques et homéopathiques à base de radis noir, de chardon marie, de noyer ou arnica. Il aurait, en outre, procédé à 28 injections d’extrait de gui dans le sein de sa patiente. Elle avait porté plainte en septembre 2012, six mois avant son décès.

Selon le Conseil de l’ordre « le parcours de soins de cette femme a mis en lumière des manquements graves de la part du médecin homéopathe (…) Le docteur D. devait en effet prodiguer à l’intéressée des soins conformes à son état de santé et aux données acquises par la science ». Le code de déontologie médicale précise en effet que « la liberté de prescription est limitée par les données acquises par la science validée dans le cadre d’études cliniques ». Serge Blisko, le président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) constate que « certains patients sont en état de faiblesse, et il leur arrive de tomber sur un homéopathe ou naturopathe qui leur explique que le cancer, c’est purement psychologique, et qu’il vaut mieux prendre quelques granules plutôt qu’aller faire une chimio ».

C’est pour alerter et éviter ce genre de drame que le Conseil scientifique des Académies des sciences européennes (Easac), regroupant 27 pays dont le France, a rendu publique en septembre 2017 dans une déclaration de onze pages, des recommandations quant à l’utilisation de l’homéopathie, dont les revendications scientifiques sont, selon eux, « non plausibles et incompatibles avec les concepts établis de la chimie et de la physique ».

L’Easac déclare qu’il « n’existe, pour aucune maladie, aucune preuve, scientifiquement établie et reproductible, de l’efficacité des produits homéopathiques – même s’il y a parfois un effet placebo. ». Pire, elle peut avoir des effets nocifs en retardant une prise en charge adéquate de pathologies graves. L’Easac lui reproche également de fragiliser la confiance des patients envers la démarche scientifique, en les dissuadant de rechercher des soins médicaux appropriés. L’Easac s’interroge, aussi, sur « le consentement éclairé » du patient mal informé par un praticien qui lui aurait prescrit des « produits biologiquement inefficaces ». Ancien médecin homéopathe en Allemagne, Nathalie Grams raconte ainsi qu’elle avait pleinement conscience de l’inefficacité des produits homéopathiques, lorsqu’elle les prescrivait à des malades mais qu’elle était cependant convaincue qu’ils contenaient « une certaine forme d’énergie ou de fluide ».

Évoquant le cas d’un petit garçon de sept ans mort d’une otite soignée par un médecin homéopathe1, Florent Martin, membre de l’Observatoire Zététique, explique que « ce n’est pas l’homéopathie qui a tué ce petit garçon, mais l’illusion de soins qu’elle donne à ceux qui y ont recours ». Nathalie Grams abonde en ajoutant : « l’irrationalité de l’homéopathie n’aide jamais, parce que cela repose sur une croyance. Or la médecine ce n’est pas croire c’est savoir ».

L’analyse de l’Easac, fondée sur l’étude des résultats de plusieurs recherches sur l’homéopathie révèle « que chaque cas, pour lequel une efficacité clinique d’un produit homéopathique a été revendiquée, peut s’expliquer par l’effet placebo, une mauvaise conception de l’étude, des variations aléatoires, une régression des résultats vers la moyenne ou un biais de publication. »

L’Easac souligne par ailleurs le manque d’encadrement réglementaire quant à la publicité et la production des préparations homéopathiques qui « posent, également en raison du manque de contrôle de leur production, des problèmes potentiels de sécurité. »

En France, une réglementation datant des années 1960 dispense les produits homéopathiques d’autorisation de mise sur le marché. Ils n’ont donc pas besoin de prouver leurs effets toxicologiques, pharmacologiques et cliniques. Un article du code de santé publique évoque même « la tradition homéopathique » pour justifier cette dispense.

L’Easac demande aux États européens de prendre leur responsabilité et recommande:

– Que l’homéopathie soit soumise aux mêmes exigences réglementaires que les autres médicaments, qui doivent prouver leur efficacité et leur innocuité de façon scientifique avant leur mise sur le marché. Cela devrait s’appliquer à la médecine humaine, comme à la médecine vétérinaire.

– Que seuls les produits homéopathiques ayant prouvé leur efficacité soient remboursés par les systèmes de santé. En 2016, l’homéopathie, remboursée à hauteur de 30 %, a coûté près de 52,8 millions d’euros à la France. En Allemagne, une enquête des assurances de santé a démontré qu’elle ne permet pas de réduire les coûts de santé, au contraire.

– Que l’étiquetage des formulations homéopathiques indique clairement les ingrédients et leurs quantités.

– Que la publicité des produits homéopathiques ne soit basée que sur des preuves objectives et vérifiables.

Ainsi que l’explique Florent Martin, le débat sur l’homéopathie est très sensible car il oppose les scientifiques qui attestent de son inefficacité, ou d’une efficacité similaire à celle d’un placebo, aux consommateurs qui la jugent selon un indice de satisfaction personnelle.

Boiron, leader mondial du marché de l’homéopathie, a répondu à la déclaration de l’Easac en présentant les résultats d’une étude qui a mobilisé 825 médecins et 8 559 patients entre 2005 et 2011. Son objectif était d’évaluer l’intérêt de l’homéopathie pour les politiques de santé publique. Selon l’étude, la patientèle « présente généralement une meilleures santé physique […] valorise davantage sa propre participation aux soins et a une approche généralement plus holistique de la santé ». Florent Martin ne voit pas les choses de la même manière : selon lui, « la force du lobby de l’homéopathie est d’arriver à vendre des ‘‘médicaments’’, présentés comme des traitements préventifs, à des gens qui ne sont pas malades et qui sont convaincus que s’ils sont en bonne santé, c’est justement grâce à l’homéopathie ».

(Sources : Académie des sciences, 29.09.2017, Le Figaro Santé, 02.10.2017, 20 Minutes, 06.10.2017, The Conversation, 06.10.2017, Var Matin, 21.10.2017, Le Parisien 21.10.2017, Pourquoi Docteur, 22.10.2017)

1 Lire sur le site de l’Unadfi : Un enfant suivi par un homéopathe meurt d’une otite : https://www.unadfi.org/domaines-infiltration/sante-bien-etre/un-enfant-suivi-par-un-homeopathe-meurt-d-une-otite

Lire sur le site de l’Unadfi : L’homéopathie remise en question : https://www.unadfi.org/domaines-infiltration/sante-bien-etre/

À savoir

L’homéopathie, du grec homeo (semblable) et pathie (maladie), a été inventée en 1796 par le médecin allemand Samuel Hahnemann. Ses observations personnelles l’ont conduit à établir trois principes qui sont encore aujourd’hui à la base de cette thérapeutique. La première loi est celle des similitudes : une substance ingérée à haute dose provoque les mêmes symptômes qu’une maladie et doit pouvoir soigner cette maladie. La « loi d’infinitésimalité » consiste à diluer très fortement les substances actives. Il crée ainsi sa propre unité de mesure, encore utilisée aujourd’hui, le CH ou centésimale hahnemanien. Et enfin, la succussion qui consiste à secouer énergiquement la solution une fois diluée.
« Certains praticiens affirment que l’homéopathie fonctionne en stimulant le corps à se soigner lui-même. »