MIVILUDES : Rapport 2005

Jean-Michel Roulet, président de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Dérives Sectaires (MIVILUDES), a remis au Premier Ministre le rapport d’activité 2005.

Le rapport procède à quatre analyses ponctuelles considérées comme prioritaires par le Conseil d’Orientation de la Mission : vigilance sur la protection des mineurs, pratiques de soins, entrisme des sectes au cœur des entreprises, aide humanitaire d’urgence.

Le Président de la MIVILUDES souligne que le rapport marque le dixième anniversaire de l’affaire du Temple Solaire qui a fait prendre conscience à l’opinion de la dangerosité des groupes sectaires. Depuis, le gouvernement français s’est donné les moyens d’assurer « la protection des personnes, le libre exercice des libertés individuelles et la défense de la dignité des êtres humains, dans le plus strict respect de la liberté de conscience et de pensée ». Le Parlement a toujours rebondi sur ces questions de manière « très consensuelle ».

Les mineurs face à l’emprise sectaire font l’objet d’une vigilance toute particulière de l’Etat, soit lorsqu’ils sont mis en danger par des parents adeptes, soit lorsqu’ils sont ciblés directement par des groupes car malléables et « sans défense », ils représentent « le développement potentiel du groupe ». Soumis à des ruptures familiales, ils sont aussi victimes de maltraitances physiques ou psychologiques. Le rapport pointe les terrains de chasse des sectes : les écoles privées hors contrat, l’enseignement par correspondance ou encore les centres de loisirs ou de vacances.
La Mission fournit ensuite un panorama complet (« mais non exhaustif ») des mouvements et pratiques ayant investi « dans des proportions inquiétantes » le champ de la santé et du bien-être : 200 médecines douces ont pu ainsi être évaluées. Il ne peut que constater l’engouement actuel pour les thérapies alternatives et les médecines douces. Ce phénomène se développe dans un contexte de « banalisation » de l’ésotérisme et de l’occultisme ainsi que de progression des micro-groupes « guérisseurs » et des praticiens « à risque » exerçant en libéral. La MIVILUDES relève des catégories dans « ce marché en plein essor » : la première peut être qualifiée de « psychologisante », la seconde d’holistique. Cette dernière préconise, entre autres méthodes : l’hygiénisme qui pousse à appliquer des préceptes alimentaires aberrants, ou bien encore prône pratique sportive intensive et jeûne poussé, et le respirianisme, qui consiste à se nourrir d’air et de lumière [1]. Une troisième catégorie est représentée par la mouvance néo-chamanique occidentale dans laquelle des rituels de guérison s’autorisent l’usage de substances hallucinogènes comme l’ayahuasca et l’iboga. Des pratiques néo-chamaniques progressent en France « sous couvert de développement personnel ».[2]

Enfin la dernière tendance observée est celle de l’irrationnel dans les pratiques thérapeutiques. On assiste en effet ces dernières années au retour de la pensée magique et de la foi « dans le miracle apte à guérir ». Cela concerne des communautés religieuses ou des structures prônant l’auto-guérison. D’autres groupes, pseudo-religieux ou pseudo-scientifiques, érigent le refus de soins médicaux en dogme et pratiquent rites de guérison ou « harmonisations »…

Sur ce créneau de la santé, des réseaux de thérapeutes se constituent, formant des « agents recruteurs » au sein même des professions médicales et para-médicales. Le rapport constate qu’il s’exerce un véritable « lobbying » opposé à la médecine conventionnelle et que le « marché de l’illusion du mieux vivre et de la guérison » fait peser de réelles menaces sur la société et sur les citoyens.
La Mission met les entreprises en garde car de grandes sectes multinationales cherchent à s’introduire auprès des « plus performantes » ou des « plus sensibles » d’entre elles. Elle est sollicitée sur ce problème de la prise en compte du risque sectaire dans les pratiques d’intelligence économique. Dans ce contexte, la MIVILUDES a donc mis au point des méthodes d’analyse, des instruments de veille et de détection du risque. Cette méthodologie l’a amenée à intervenir de façon croissante devant des auditoires de responsables de ressources humaines et de la sécurité. La question de la caractérisation du « risque » et du repérage est en effet celle qui pose le plus de problèmes aux entreprises, aux syndicats professionnels et de salariés, ainsi qu’à certaines écoles scientifiques ou de commerce.

Dans le secteur humanitaire, les sectes s’invitent désormais au chevet des victimes de catastrophes planétaires, profitant du désarroi de populations « en état de faiblesse et de vulnérabilité « et tentant d’imposer « leur vision du monde ». Le phénomène n’est pas nouveau et dans son rapport 2001, la MILS le relevait déjà. Sur le terrain, les sectes se concurrencent parfois mais le plus souvent, elles se le partagent. Chacune explique « à sa manière » les causes de la catastrophe ou de l’événement. La recherche du profit reste le moteur principal : appel de fonds lancés par des stars, investissement des adeptes ou même… subventions publiques.
Le rapport de la MIVILUDES détermine l’état d’avancement des propositions qui avaient été émises dans le rapport de l’année précédente. La grande majorité a été mise en œuvre. Tout particulièrement les actions de prévention à l’égard des jeunes à travers le site internet de la MIVILUDES, les actions de formation destinées aux personnels de l’Education Nationale, et l’amélioration de l’aide aux victimes avec un renforcement des relations avec les associations de défense. Les contacts directs avec les particuliers ont vu également leur nombre augmenter. La sensibilisation des milieux économiques : dirigeants d’entreprises, groupes industriels stratégiques, représentants d’institutions à vocation économique… s’est déroulée comme prévu et cette action sera poursuivie et développée au cours de l’année 2006.

La Mission s’est également « attachée à pérenniser et à développer » les réunions des cellules de vigilance dans les départements, ou dorénavant, un membre de la Mission est systématiquement présent. Autre point développé : celui du contrôle de l’accueil à domicile des « personnes vulnérables » (enfants et adultes dépendants) par « des assistants agréés ». Un projet « d’instructions » du ministère de la Santé et des Solidarités est actuellement en cours d’élaboration. Il rappellera les points à prendre en compte, notamment dans les notifications ou les refus d’agrément. Le rapport décrit également l’activité des Services d’Etat, exercée dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires. Il rend compte, enfin, de son engagement auprès des fonctionnaires de police judiciaire en vue de leur apporter « une formation solide » sur des pratiques menaçant l’ordre public ou mêlant souvent religiosité, structures internationales, actes attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales…[3]

En conclusion, le rapport fait le constat qu’au cours de l’année écoulée, le phénomène sectaire « n’a pas marqué de pause en France ». Il affirme que l’Etat Républicain joue pleinement son rôle lorsqu’il met en œuvre tous les moyens pour suivre l’évolution du phénomène et apporter réponses et solutions au public, au monde associatif, aux élus, ces derniers étant souvent en contact direct avec des familles atteintes par des dommages liés aux pratiques sectaires.

[1] Cette méthode dangereuse est exposée dans un ouvrage de l’australienne, Ellen Greve : « Vivre de lumière/ 5 ans sans nourriture matérielle »
[2] Dès 1992, un médecin français avait créé au Pérou un centre de traitement des toxicomanies à base de méthodes chamaniques, le Centre Takiwasi. Aujourd’hui, il élargit « sa clientèle » en se positionnant de plus en plus comme « un centre de médecine de l’âme ». Le créneau des « chamans thérapeutes » est aujourd’hui porteur. Il est dès à présent relayé par celui du « chamanisme commercial »
[3] Entre autres projets, la MIVILUDES se propose de rédiger, en partenariat avec divers spécialistes, un « guide pratique des symboles et formules sataniques à l’usage des gendarmes et policiers de terrain ».