Pouvoirs publics et MIVILUDES : Déclarations et controverses

Dossier

L’UNADFI a choisi de vous rendre compte, par un rappel chronologique des faits, des débats engendrés par les déclarations des pouvoirs publics concernant le phénomène sectaire.

Le 4 février 2008
La MIVILUDES dans la tempête

 

Dans Le Parisien, Michèle Alliot-Marie a déclenché une levée de boucliers « en mettant en cause le fonctionnement de la MIVILUDES » (aussitôt traduit par « dissolution » de cette structure). Elle confie vouloir « décomplexer la lutte contre les dérives sectaires » et « assurer la liberté de croyance pour tous ». Elle a aussi affirmé que ce n’était pas à la MIVILUDES de définir une politique, ni de mener des actions de répression ». Elle rompt ainsi avec la démarche symbolisée par les travaux des différentes commissions parlementaires sur les sectes ou les rapports annuels de la MIVILUDES qui ont mis l’accent sur des comportements potentiellement dangereux des sectes. Il s’agit là d’une approche « libérale mais ferme » qui s’accompagne d’un discours ministériel fondé sur « la liberté de croyance et de conviction de tous » qui illustre le concept de « laïcité positive » défendue par Nicolas Sarkozy.

Ce même jour, la ministre de l’Intérieur explique aux responsables de la police, de la gendarmerie et de la Préfecture de police qu’elle souhaite « poursuivre » et « réprimer » les mouvements [sectaires] coupables de « comportements caractérisés de troubles à l’ordre public » ou « d’infractions pénales avérées », ce qui sous-entend que la recension, la surveillance préventive [et en conséquence la prévention] ne seraient plus à l’ordre du jour. L’Elysée, de son côté, confirme le 5 février 2008 à La Croix vouloir « recentrer le travail de la MIVILUDES sur les mouvements dangereux » coupables d’infractions pénales.
La ministre de l’Intérieur voudrait s’inspirer de la « méthode des GIR », les groupes d’intervention régionaux qui luttent contre les trafics de drogue et l’économie souterraine des cités pour combattre les dérives sectaires. Il s’agirait de « faire travailler ensemble les services (de sécurité intérieure) et des fonctionnaires venant d’autres ministères, notamment ceux du fisc, de l’Education nationale, du travail et de l’emploi, a précisé la ministre devant des journalistes.

De son côté, la Présidence a déclaré à La Croix qu’elle souhaitait « redéfinir l’action de la MIVILUDES ». Elle a confirmé au journal vouloir recentrer son travail sur les « mouvements dangereux » qui se sont rendus coupables d’infractions pénales.

 

 

Le 20 février 2008

Emmanuelle Mignon : « Les sectes sont un non-problème »

 

Alors que les positions de Nicolas Sarkozy sur la religion et la laïcité continuent de faire grincer des dents, Mme Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet du Président de la République, Nicolas Sarkozy, aurait affirmé à l’hebdomadaire VSD du 20 février 2008 que « la lutte contre les sectes a longtemps permis de dissimuler les vrais sujets » et qu’en’ «France, les sectes sont un non-problème ». Elle qualifie de « scandaleuse », la liste des organisations sectaires établie en 1995 par une commission d’enquête parlementaire et en ce qui concerne la Scientologie (figurant dans cette liste), la directrice de cabinet déclare qu’elle ne la connaît pas mais qu’on peut « s’interroger », ajoutant « ou bien c’est une dangereuse organisation et on l’interdit, ou alors ils ne représentent pas de menace particulière pour l’ordre public et ils ont le droit d’exister en paix ». A la question du journaliste, Emmanuel Fansten : « le gouvernement entend-il supprimer la MIVILUDES ? », Emmanuelle Mignon répond « non, mais plutôt la transformer en quelque chose de plus efficace et en finir avec le bla-bla ». Car « à part, publier des rapports annuels, la MIVILUDES ne fait rien ». « L’idée serait de rattacher ce nouvel organisme au ministère de l’Intérieur, afin de collaborer plus étroitement avec les services de police. Le reste doit relever de la justice ».

Un véritable tollé a suivi ces propos d’Emmanuelle Mignon, provoquant des réactions indignées d’un nombre très important d’hommes politiques. Dans la foulée, le porte-parole de l’Elysée, David Martinon, déclarait alors que le gouvernement « n’avait aucun projet tendant à relâcher la vigilance » contre les sectes. Déclaration confirmée par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui, dès le jeudi 21 février, prônait « la plus grande fermeté » vis-à-vis des activités sectaires. Après cette mise au point de Nicolas Sarkozy et l’unanimité de la classe politique, le président de la MIVILUDES, Jean-Michel Roulet, s’est déclaré satisfait. Il a rappelé qu’il n’appartient pas au pouvoir exécutif de commenter la liste des sectes qui figure dans un rapport parlementaire relevant du pouvoir législatif. Quant au Premier Ministre, François Fillon, invité au journal de 20h sur France 2 le 21 février 2008, il assure qu’il y aura continuité dans la politique menée et que la MIVILUDES restera sous l’autorité du Premier Ministre. Il a affirmé vouloir « renforcer » la MIVILUDES et « qu’elle puisse actualiser la liste des organisations considérées comme sectaires ». Selon lui, « le rôle de la puissance publique, c’est de combattre « les sectes et de les « traduire devant la justice quand il y a lieu de le faire ».

 

 

Le 26 février 2008

Mme Alliot-Marie réactive la lutte contre les dérives sectaires

 

Ce document que Le Parisien s’est procuré invite les représentants de l’Etat à se « remobiliser » dans la lutte contre les dérives sectaires. Il rappelle le principe de « la liberté d’opinion » et signifie la fin de « l’époque où comme en 1995 une liste des Renseignements Généraux composée à la demande d’une commission parlementaire détermine quels groupes sont secte ou non ». Selon Mme Alliot-Marie, l’arsenal juridique actuel est satisfaisant, cependant elle appelle l’attention « sur l’importance de sécuriser sur le plan juridique les actions menées » pour éviter que les services de l’Etat soient déboutés ou pire, condamnés. Comme elle l’avait précédemment annoncé [Voir notamment Le Parisien daté du 4 février 2008], elle met en place dans chaque département des groupes de travail restreints, inspirés des Groupement d’Intervention Régionaux (GIR). Les préfets devront rendre compte de la mise en place de ces groupes avant le 15 avril 2008, groupes qui devront se réunir au moins une fois par trimestre.
La rédaction de cette circulaire est, selon le ministère, antérieure aux déclarations d’Emmanuelle Mignon dans VSD, la semaine dernière.
(Source : Le Parisien, Anne-Cécile Juillet, 26.02.08 – L’Express.fr, 26.02.08)

La publication de la circulaire mentionnée précédemment a suscité une réaction du député, Philippe Vuilque, président du groupe parlementaire sur les sectes à l’Assemblée. Il s’est dit « surpris » qu’elle émane du Ministère de l’Intérieur « alors que la lutte contre les dérives sectaires, confiée à la MIVILUDES, relève du Premier Ministre ». Du côté de la MIVILUDES, précisément, on souligne qu’il existe déjà des « groupes de travail spécifiques » dans les départements, créés à la suite d’une note aux préfets, envoyée par le président de la Mission. Enfin la MIVILUDES regrette que cette nouvelle circulaire ne parle pas de prévention.
(Source : AFP, Chantal Vallette, 26.02.08)